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Bas les brosses !

Sérieux. Il paraît que dans notre beau pays, l’industrie la plus performante est… la serpillière française !

C’est quand même la moindre des choses pour une société autonettoyante qui s’aseptise si bien à coups de « politiquement correct ».

Il est vrai qu’à voir l’attitude de certains journalistes et de présentateurs télé devant la classe politique, nous ne sommes pas surpris par cette bonne nouvelle économique.

Solcarrelus, si tu nous entends, on te salue !

Nous attendons avec impatience de prochaines révélations sur les performances industrielles de la carpette et de la brosse à reluire.

Nouvelles précieuses ridicules et “personnes à grammaticalité réduite”

Parmi nos souvenirs scolaires, nous avons tous en mémoire les fameuses commodités de la conversation des Précieuses ridicules de Molière. La préciosité contemporaine ne craint pas non plus le ridicule pour la raison qu’elle est bien trop bécasse pour en prendre conscience.

Europe 1, 27 juillet 2004, bulletin d’informations de 6 h 30. Interview téléphonique du directeur de cabinet d’un préfet, dans une région touchée par la sécheresse, ce qui justifie des restrictions d’eau. Question du journaliste : ” Serez-vous amené à prendre des mesures plus draconiennes ? “ Réponse de l’interviewé : ” Oui, si la situation perdure en termes d’abaissement des niveaux… “
Il eut été à l’évidence plus simple de dire : ” Oui, si le niveau de l’eau continue à baisser. “ Mais cette dernière façon de parler correctement le français n’eut pas permis d’en mettre artificiellement plein la vue.

On aura noté l’insistance courante du verbe perdurer à la place de durer. Avec une syllabe de plus, le pédant d’aujourd’hui doit trouver que ça fait plus “chicos”. Or dans perdurer il y a l’idée d’éternité, de perpétuité, perdurer c’est durer jusqu’à la fin des temps. Si l’ignorance d’un ignorant chronique est appelée à perdurer jusqu’à sa mort, on peut au moins espérer que le niveau de l’eau, lui, baissera et que donc, il ne durera pas.

On imagine maintenant le dialogue du soir entre le directeur qui vient de sortir du cabinet et sa femme qui s’apprête à y entrer : 
– On baise ?
– On va dire (sic) qu’au niveau de ma libido il n’y a pas de soucis (sic), mais en termes de timing je crois qu’on n’aura pas le temps de faire perdurer les choses.

Dans la série des tics de langage à la mode, on trouve aussi le furoncle verbal “on va dire” (3 syllabes vocales et 4 dans le Midi de la France) qui remplace l’ancien disons (deux syllabes seulement). Mais comme personne n’a plus le courage de dire ce qu’il a vraiment envie de dire, on le fait dire par un on neutre qui agit au nom du transfert de responsabilité. Placée en début de phrase, la locution on va dire signifie que ce que je m’apprête à vous dire n’est pas exactement ce que je voudrais vous dire, mais que je vais vous dire quand même. Placée en fin de phrase, elle signifie que ce que je viens de dire n’a pas la franchise de ce que j’aurais voulu vous dire, mais que vous devrez vous en contenter, le soin vous étant laissé de deviner ce que je ne vous ai pas dit au travers de ce que je vous ai dit. On va le dire comme ça.

Quant à la préférence plurisyllabique du pédantisme moderne, elle correspond à une demande des nouvelles précieuses ridicules et autres éclopés du verbe. L’étalage syllabeux (appelé aussi syllabeuleubeuleu), permet en effet d’occuper le temps et l’espace quand on n’a rien de particulièrement intelligent à dire, quand on veut mettre du mascara sur son incompétence ou quand on croit qu’une grosse marguerite sur une paire de tongs fait plus smart. C’est ce qui pousse à répondre tout à fait ou complètement à la place d’un simple et trop rikiki oui.


France Inter, 6 août 2004. Un médecin est interrogé sur les risques d’une éventuelle canicule. Réponse (pour dire qu’il n’en sait rien) : ” Le problème est obscur en termes de lisibilité.”
Une seule solution pour ce médecin de Molière : apprendre le braille.

Le mot lisibilité est, lui aussi, très tendance. Il faut avoir une politique lisible, un programme lisible. Il se trouve placé en pole position avec le mot visibilité, probablement à cause d’une quasi homophonie, d’une confraternité de sens, et d’une complémentarité ophtalmologique.

Au niveau de et en termes de sont deux expressions pour lesquelles on devrait être autorisé à tirer à vue contre qui les dégaine. Deux expressions qui réveillent des pulsions meurtrières chez tous ceux qui aiment un parler clair de la langue et trouvent insupportable et abrutissant à la longue qu’on l’alourdisse inutilement pour faire du (mauvais) genre. Des tournures toutes faites que toutes les branques de la création reprennent à l’envi, au point que les conversations donnent l’impression de porter un uniforme et que la langue plie sous des bruits de bottes. Des expressions taillées sur mesures pour tous les handicapés de la construction grammaticale (doit-on dire personnes à grammaticalité réduite ?) et qui prennent la pose en n’impressionnant d’ailleurs que les illettrés, les autres n’étant pas dupes. Des infections verbales qui font florès dans la presse, le discours politique et dans l’entreprise où dix mots de vocabulaire de cet acabit suffisent aujourd’hui à ouvrir une belle carrière à n’importe quel incompétent.

Ce qui est sûr, c’est qu’au niveau du langage et en termes de préciosité, la connerie ne manque pas de lisibilité.

Octobre noir

Octobre 2003.
L’été caniculaire a tué des milliers de vieilles personnes.
On accuse pêle-mêle l’indifférence, l’incapacité, l’irresponsabilité, l’imprévoyance, la météo.
Un type a dit à la télé que, de toute façon, elles seraient mortes tôt ou tard parce qu’elles étaient vieilles.
Plusieurs observateurs y voient le signe d’une société qui abandonne ses vieux parce qu’ils sont devenus improductifs et encombrants.
Certaines familles n’ont toujours pas réclamé les corps.
On discute toujours de la couleur du tricot Lacoste du ministre de la santé.
Sur FR3, la femme du président, qui au moment de l’hécatombe était en vacances au Canada, vient nous expliquer que nous sommes tous responsables. Nous sommes tous coupables. À ses côtés, sur le plateau de l’émission ” Au nom des autres ” animée par Évelyne Thomas, un amuseur-imitateur se dresse en moraliste et confirme que oui, nous sommes tous responsables. Responsables et coupables.

Tony Blair a été hospitalisé à la suite d’un léger malaise cardiaque.
Yasser Arafat souffre d’un calcul biliaire. La presse revient sur son opération du cerveau.
Un célèbre cancérologue est mort du cancer.
La France débat sur l’euthanasie.
TF1 nous dit tout sur les soins palliatifs.
Le saumon serait toxique et donnerait le cancer.
On assiste au retour de vieilles maladies qu’on croyait éradiquées.
Dans la région parisienne, on signale un cas de diphtérie, le premier depuis quinze ans.
Bush va bien. Il lance une campagne pour interdire les relations sexuelles avant le mariage.
Le terrorisme biologique menace.
Les experts se préparent à un retour du SRAS. Les autorités françaises planchent sur trois scénarios de sa réapparition.

Les Européens sont de plus en plus stressés au travail. Maux de dos, de tête, de poitrine, palpitations, troubles du sommeil et de la digestion, irritabilité, nervosité, abattement.
Des usines ferment. Le nombre de licenciements est en augmentation.
Le patronat dit que les Français sont paresseux, ils ne veulent pas travailler.

Nous sommes responsables du déficit de la sécurité sociale.
Nous allons trop souvent chez le médecin.
Nous consommons trop de médicaments.
Mais la radio diffuse tous les jours les messages d’une campagne publicitaire de l’industrie pharmaceutique.
Ces messages nous conjurent de surveiller notre taux de cholestérol.
Notre tension aussi, il faut la contrôler.
On nous engage à une hygiène de vie qui prévienne les maladies cardio-vasculaires.
On insiste : fumer tue.
On nous exhorte à contrôler notre diabète.
Et tous ces messages se terminent par : ” N’hésitez pas à consultez votre médecin ! “

La malbouffe menace nos enfants d’obésité.
Le Bureau de Vérification de la Publicité énonce quelques recommandations.
Les industriels et les publicitaires se décident à faire un effort en corrigeant la mise en scène commerciale des produits mis en accusation. À la télé, on verra toujours des gosses bouffer les mêmes merdes, mais on les verra maintenant se rendre malades “dans le cadre d’une activité physique.”

On nous éduque au tri sélectif de nos déchets ménagers. Le volume des emballages est trop important par rapport à nos épluchures. Nous sommes coupables de mal acheter. C’est de notre faute si nous ne savons pas choisir d’autres produits que ceux que l’industrie nous vend.

On dit que Diana a été assassinée.
Toutes les chaînes de télé diffusent des documents pour accréditer la version du complot.
Les librairies dégueulent de bouquins à l’appui de cette thèse.
On dit aussi que le vice-président Johnson est le commanditaire de l’assassinat de Kennedy.
Un film télé nous explique que Dominici n’a pas tué, il aurait été victime d’un complot.

La télé nous inonde d’images du pape en voyage. Il fait peine à voir. On dirait un candidat de Kholanta au bout du rouleau, gélatiné par la fatigue. Le vieil homme tremble de partout. Son visage a le teint d’un embaumé vivant.

L’industrie du disque a sorti des chansons inédites de Jacques Brel. Il les avait jugées insuffisamment travaillées pour être livrées au public. Maintenant qu’il est dans la tombe, on peut faire ce qu’on veut. L’une d’elle passe en boucle à la radio. Elle dit que l’amour est mort. À la fin, même le vieillard de Rome aurait envie de se suicider.

Le monde est devenu un enfer paranoïaque et hypocondriaque. La théorie du complot fait vendre des images et du papier, le catastrophisme est devenu un produit de grande consommation. Alors, dans cette atmosphère sombre et morbide, culpabilisé, le moral mis en berne, j’ai cauchemardé : Sulitzer entrait à l’Académie française, Christine Deviers-Joncour était élue Marianne de l’année, Obispo préparait un nouvel album et Alain Madelin avait été élu président de la République.

Et dans cette ambiance dépressive, le premier ministre de la France déclare : ” Il n’y aura pas de reprise économique si les Français ne retrouvent pas le moral. “
En voilà au moins un qui nous donne envie de sourire…

Tests à claques

Ne croyez pas qu’il faille passer beaucoup de temps devant la télévision pour récolter autant de bourdes, de niaiseries, et me donner matière à alimenter cette chronique.

Rien n’est plus faux. Il suffit simplement (hélas !) d’allumer son poste à n’importe quel moment de la journée ou du soir, et on est à peu près sûr de tomber sur une connerie bien copieuse. À condition toutefois d’avoir l’oreille fine et un minimum d’esprit critique.

Pour vous convaincre, faisons un test.

Samedi 17 mai 2003, 13h25, sur M6. Émission Bachelor.
Je ne connais rien de ce jeu télévisé à l’exception des bandes-annonces qui persuadent mes neurones déjà bien malmenés de ne pas regarder. La connerie est arrivée en moins d’une minute.
Une des candidates dit : ” C’est très excitant parce qu’il ne se passe rien. “

Avec cette simple phrase, la fille vient de résumer le concept d’une émission qui ne présente aucun intérêt. Son observation peut même illustrer l’état actuel de la télévision et, au-delà, un sociologue pourrait y voir une critique laconique et judicieuse de notre société du vide.

Quelques secondes plus tard, je zappe sur la Cinq. Émission On aura tout lu.
Le thème : ” Le service public : réforme impossible. “
Apparemment, le sujet est sérieux. Et voilà qu’un des invités déjante et dit : ” C’est en Bretagne que l’on obtient les meilleurs résultats scolaires, vous savez pourquoi ? Parce que c’est dans cette région qu’on a les pubis les plus développés. “

Ça ne s’invente pas.

Dimanche 18 mai, 21h15. Émission Capital
Au cours d’un reportage sur les jeunes Français qui vont travailler en Espagne, une créatrice d’entreprise dit ceci : ” C’est important quand on ouvre un centre international de trouver des gens de toutes les nationalités. “

Autre exemple. Pendant la guerre en Irak, la chaîne de télévision LUI invite un général-expert pour qu’il vienne nous expliquer ce qu’il faut comprendre des combats…

Et le général-expert (sic) déclare : “Une guerre n’est jamais gagnée d’avance. Il ne faut jamais sous-estimer l’adversaire.”

Grand silence sur le plateau devant la pertinence de cette remarquable “expertise”. Un talent pour l’évidence et une perspicacité de l’inutile. On attendait que le général-expert nous prédise que cette année Noël tombera le 25 décembre…

Et enfin, à un journaliste qui lui demandait s’il savait où se trouvait Saddam Hussein, Ronald Rumsfeld a répondu : ” Où est-il ? Soit il est mort, soit il est blessé, soit il ne veut pas se montrer.”

À moins qu’il soit parti chercher une bouteille à la cave.
Heureusement que l’on nous dit que les bombes, elles, sont intelligentes…

Messier est servi !

Sous la présidence d’André Santini, député-maire d’Issy-les-Moulineaux, le jury du prix Iznogoud récompense chaque année, je cite : « une personnalité d’une grande notoriété qui a tenté de devenir calife à la place du calife, s’est vantée et a échoué dans son entreprise ».

Le choix du jury, notamment composé de Roselyne Bachelot et du dessinateur d’Iznogoud Jean Tabary, s’est porté cette année sur… Jean-Marie Messier pour l’ensemble de son œuvre universelle.

Ayons une pensée pour tous les employés du groupe Vivendi qui ont dû se réjouir à l’annonce de cette petite récompense bien méritée, eux à qui on aura refusé une augmentation de 10 euros par mois (ça existe) au prétexte que leurs prétentions risquaient de mettre en péril la bonne santé de l’entreprise ; alors que peu de temps avant une éviction prévisible, leur patron s’octroyait une augmentation de salaire de 128 % sur la base d’une rémunération qu’il serait indécent de rappeler ici par ces temps de grosse chaleur…

Dans la France d’en bas, on connaît peu de commerciaux à qui on proposerait une augmentation de salaire de 128 % au regard d’une chute de 77 % de leur portefeuille. C’est pourtant dans ces proportions-là que la France d’en haut se gratifie.

Comme l’ancien patron d’Air Lib qui, à peine nommé président pour redresser une entreprise en difficulté, s’est octroyé une « prime de bienvenue » de 800 000 euros ! C’est ce qui s’appelle voler de ses propres zèles.

Comme l’ancien patron d’Elf qui, venant à peine de signer sa lettre de démission, court s’acheter l’après-midi même pour 80 000 F de mobilier de jardin avec la carte bleue de l’entreprise qu’il avait « oublié » de rendre. Il dira au juge que c’était une « inadvertance » de sa part, que c’était une habitude et qu’il n’avait pas encore pris conscience qu’il n’appartenait plus à l’entreprise. Une entreprise où l’on doit encore trouver un sous-califougasse qui rationne les gommes et les crayons au petit personnel pour maîtriser ses frais de gestion. Non, mais !

Ayons également une pensée pour toutes les têtes de collaborateurs compétents que le califounet Messier a dû couper pour atteindre la puissance convoitée. C’est que tout patron qui veut se donner rapidement et artificiellement de l’envergure doit nécessairement tuer des gens sur son passage, des hommes et des femmes plus compétents que lui, plus loyaux, plus intègres, pour arriver à imposer un jour sa propre expérience de l’incompétence. Le principe de Peter exige quelques sacrifices.

Hélas, le sort s’acharne sur califournouille. Le tribunal de grande instance de Paris vient de mettre sous séquestre l’indemnité de départ de 20,6 millions d’euros qu’un tribunal artibral américain lui avait récemment accordé. Tout le monde compatira à cette petite misère financière car chacun sait l’importance d’avoir un petit pécule devant soi quand on s’apprête à passer l’été au camping de la plage avec sa petite famille.

Et voici que l’APPAC, association de défense des actionnaires, porte plainte contre X pour abus de bien social concernant les salaires de 2002 et les indemnités de départ de Vivendi Universal du califourchon. Un montant exagéré de la partie variable de la rémunération d’un patron, au regard du résultat négatif de sa société, constituerait un abus de bien social. En 2002 en effet, pour six mois de travail à la tête de VU, Messier aurait touché 5,6 millions d’euros tandis que le groupe affichait sur l’ensemble de l’année une perte historique de 23,3 milliards d’euros.

Mais les petits malheurs du califourchette ne s’arrêtent pas là. Outre l’ouverture d’une enquête judiciaire contre X pour « publication de faux bilans » et « diffusion d’informations fausses ou trompeuses » au marché, voici qu’un de ses anciens collaborateurs, le député UMP Alain Marsaud, prend la tête d’une mission d’information de l’Assemblée nationale sur les rémunérations excessives de grands patrons du CAC 40.

Voilà ce qui arrive, cher Iznogoud, quand on s’amuse à donner un coup de calife dans le contrat.

TF1 secoue le Tapie

Ex-chanteur, ex-pilote de course, comédien de théâtre, acteur de cinéma, écrivain, homme d’affaires, prisonnier, sportif, consultant et présentateur télé, Tapie survit donc grâce à des petits boulots. TF1 l’accompagne dans sa réinsertion sociale, d’une façon totalement désintéressée, en lui confiant sa nouvelle émission “À tort ou à raison”.

Un Tapie très agité, un peu secoué, qui vient sur les écrans donner les paroles aux autres pour le seul plaisir apparent de la leur couper. Thème de la première émission : la prostitution. Tapie est contre et veut l’interdire.
” Je ne suis pas là pour faire la morale “, précise-t-il, tout en la faisant quand même puisque chacun sait qu’il est bien placé pour ça. Alors il cherche à rationaliser le comportement humain, à comprendre pourquoi les hommes vont aux putes, ce qui ne lui est jamais arrivé, bien entendu. Il découpe le problème en morceaux comme le ferait un audit fouillant dans ses comptes, ignorant que souvent les ressorts de la nature humaine nous échappent, tels ceux qui constituent la personnalité de Tapie.

Parmi les invités de cette émission sur la prostitution, la présidente d’une association de parents d’élèves… la PEEP. Prononcez ” Pêpe “, on l’aura deviné, mais le sous-titrage insistant qui apparaissait à l’image chaque fois que la dame parlait (X. présidente de la PEEP) était sans équivoque sur le bon goût qui avait conduit ce choix. Du TF1 de grande classe.

Autre invité, l’inévitable Philippe Sollers, en tournée de promo. Tapie a réussi l’exploit de ne pas lui en laisser placer une, pas même une citation, c’est dire… Juste une idée à lui : “90% des hommes ne sont pas heureux sexuellement. “Parle pour toi mon garçon. Finalement, on le préfère quand il parle avec l’esprit des autres.

La seule satisfaction que l’on puisse tirer de ce genre d’émission, c’est ce bel exemple de réinsertion sociale car il est probable que le stage d’artisan boulanger que Tapie aurait souhaité était malheureusement complet.

Bientôt, un ancien serial killer viendra expliquer aux ménagères de moins de cinquante ans comment on découpe un poulet. Jean-Marie Messier présentera une émission dans laquelle il conseillera les meilleurs placements boursiers. Crozemarie animera le Téléthon. Michel Bon nous montrera comment se désendetter en sortant d’un crédit à la consommation. Et Papon, décidément en forme pour son âge, viendra tous les matins, en début de programme, nous donner un cours d’aérobic. Histoire de nous mettre en train…

L’avocate accordéoniste se fait remonter les bretelles

Valérie Faure est avocate au barreau de Bergerac. Dans ces heures de détente, son plaisir est de jouer de l’accordéon avec son mari sur les marchés. Elle a été sommée de s’en expliquer devant le conseil de discipline de l’ordre des avocats qui considère que ce loisir musical porte atteinte à la dignité de la profession. “jouer de l’accordéon dans les rues est indigne et ridiculise toute la profession” (sic), dit l’un des accusateurs.

Je peux le comprendre : accordéoniste amateur moi-même, je n’ai pas fait d’études de droit, considérant que la profession d’avocat était indigne d’un musicien.

Le souffle est léger pour le moment, presque imperceptible. Mais observons bien le mouvement de la société au travers même de la petite actualité comme ce fait divers qui peut paraître anecdotique et faire sourire. Nous sommes sous le souffle d’un évangélisme exterminateur de nos libertés individuelles. Profitant d’une série d’interdits dont la société aurait besoin pour se remettre en ” ordre ” (c’est un autre débat), les lobbies intégristes de toute nature en profitent sournoisement pour imposer les leurs selon l’idée qu’ils se font du politiquement correct. À ce rythme, on peut se demander si dans quatre ou cinq ans les étudiants ne descendront pas dans la rue en criant qu’il est interdit d’interdire…

Il me semble qu’un grand ténor du barreau avait été inquiété, il n’y a pas si longtemps, dans une affaire de tableaux. Je n’ai pas entendu le conseil de l’ordre crier à l’indignité. Quand Me Verges, dans l’une de ses habituelles provocations, pose nu dans sa baignoire devant les photographes d’un grand magazine, personne ne parle d’indignité de la profession.

Soyons honnêtes. Ne profitons pas du cocasse de la situation en faisant mine d’ignorer le vrai motif de mécontentement. Ce que le conseil de l’ordre reproche officiellement à l’avocate, ce n’est pas tant de jouer de l’accordéon dans les rues, mais de déposer à ses pieds l’étui de l’instrument ouvert, permettant aux passants d’y jeter une petite pièce. Le conseil assimile cette situation à de la mendicité et là se trouverait la fameuse indignité. La jeune femme proteste en disant qu’il n’y a pas mendicité puisqu’elle offre une prestation en échange. Quand on choisit comme instrument le piano du pauvre, il n’est pas étonnant que la mendicité l’accompagne.

Giscard jouait de l’accordéon et nul n’a jugé qu’il portait atteinte à la dignité de la présidence de la République. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’il ne s’agissait pas de mendier des voix. Bill Clinton jouait du saxophone sur les estrades électorales et personne n’a pensé que cette indignité portait atteinte à l’image de l’Amérique dans le monde. Il fut un temps, de nombreux hommes politiques, membres du gouvernement et parlementaires, se précipitaient dans certains shows télévisés pour chanter faux (bien avant Star Academy) . Et qu’on ne vienne pas me dire qu’il n’y avait pas là une forme de mendicité électorale.

Quand un grand maître des prétoires qui se prend aussi pour un grand écrivain trouve un éditeur pour publier ses souvenirs d’enfance dont tout le monde se fout à part quelques membres de sa famille, personne ne va lui reprocher ses droits d’auteur. Il serait prétentieux d’établir une hiérarchie artistique et de croire que l’écriture d’un livre est plus honorable que de jouer de l’accordéon sur les marchés…

Pour que le conseil de l’ordre soit saisi de cette affaire, il a bien fallu un acte de délation. Là se trouve peut-être la véritable indignité.

Mais l’indignité, c’est aussi l’avocat qui “oublie” de venir assister son client (le cas est fréquent et je l’ai vécu) à une audience. L’indignité, c’est un juge qui vous convoque à 8 heures et qui se permet d’arriver à 11 h 30, sans s’excuser, prétextant qu’il a été retenu par une affaire importante, sous-entendu plus importante que la vôtre. L’indignité, c’est un président de tribunal qui demande à votre avocat, dans une affaire grave, d’écourter sa plaidoirie (et je l’ai vécu) “parce qu’il est convié à un apéritif et qu’il ne voudrait pas le rater.” J’aurais mille fois préféré avoir devant moi un accordéoniste duquel j’aurais obtenu plus de doigté, un meilleur sens de l’harmonie et une attitude sans fausses notes, ce qui manque parfois cruellement à la justice. Sans parler de nombre d’élus politiques, avocats de professions, mis en cause dans des affaires et qui, retournés à la société civile, reprennent tranquillement leur profession… d’avocat !

La défense de l’accordéoniste est assurée par Me Collard, grand avocat médiatique et donc spécialiste des instruments à vent.

L’assassin habite chez Calmann Lévy

De nombreux auteurs de talent rongent leur plume dans un coin de la France littéraire d’en bas pendant qu’un assassin d’enfant n’a rencontré aucune difficulté à séduire l’industrie du livre.

Le passionné d’écriture enverra vainement son manuscrit aux éditeurs, par la poste. Il collectionnera les lettres de refus polis lui disant que ses textes ne semblent pas correspondre à l’attente du public ou qu’il n’existe pas de collection susceptible de les accueillir.

Un assassin d’enfant, lui, ne perd pas son temps à envoyer son précieux manuscrit par la poste. Il convoque les éditeurs. Et ils viennent. Tel petit papa Denoël qui envoya un de ses collaborateurs déjeuner avec la star-killer.

Finalement, c’est chez Calmann-Lévy que l’assassin d’enfant fera l’unanimité du comité de lecture qu’on félicitera au passage. Espérons qu’on ne se trompe pas en félicitant le comité puisqu’un éditeur dit toujours que votre ouvrage lui a fait forte impression, qu’il aurait vraiment souhaité le publier, mais que, hélas, son comité de lecture ne l’a pas suivi…À moins que les stars-killers soient dispensées du passage en comité de lecture.

Passons sur le contenu du bouquin dont la presse dit qu’il est sans intérêt, au cas où on aurait pensé en trouver un et surtout au regard de la “réinsertion sociale” honorable de l’artiste.

Il y a donc une collection et un public pour les confessions ratées de la vie ratée d’un assassin d’enfant.

La controverse s’anime à propos du scandale qu’il y aurait pour un assassin d’enfant à se faire du pognon sur la notoriété de son crime dont le motif était déjà de se faire du pognon. Un député est monté au créneau en préparant une proposition de loi pour que les droits d’auteur des criminels soient reversés à des associations. Mais jusqu’à ces derniers jours, personne ne semblait s’indigner qu’un éditeur et un réseau de diffusion ne se fasse du pognon sur le crime d’un enfant raconté par son auteur. Il faut savoir en effet qu’un ” écrivain ” perçoit entre 8 et 10 % du prix hors-taxes d’un livre, parfois plus s’il y a eu négociation sur des paliers de ventes. Ce n’est pas ” l’auteur ” qui dans cette affaire empocherait le plus de pognon. Le reste serait réparti entre l’éditeur (ce n’est pas lui qui gagne le plus), le diffuseur (c’est le plus gourmand) et le libraire (environ 33% quand même). N’oublions pas l’État qui, avec la TVA, empoche toujours sa part des mauvaises actions sans que nul ne le remarque. Une indignité en conséquence bien partagée, comme on peut le voir.

Mais voilà qu’on apprenait le 14 novembre dernier que les actionnaires de Calmann-Lévy avaient appelé Hachette Livre (qui détient 70% du capital de l’éditeur) à reverser ” la majorité des bénéfices issus de la vente du livre “ de l’assassin d’enfant à des associations.

Rien ne permet d’affirmer à ce jour que cette bonne résolution a été réellement suivie d’effet.

Une remarque cependant : si c’était pour aboutir à une affaire quasiment blanche, il eut été sans doute plus intelligent et surtout plus honorable de renoncer à publier les mémoires de l’assassin d’enfant.

Faux mage et désert

Tout le monde connaît la célèbre Elizabeth Teissier, désastrologue réputée, carto-mitterrandienne, tireuse de carpes, maboule de cristal élyséenne, abrégée de sociologie en Sorbonne et, cela va de soi, écrivain-vaine qui a sûrement du style et quelque chose d’intelligent à dire à l’humanité puisqu’elle a trouvé sans peine un éditeur depuis belle lurette.

Elle publie donc ses prévisions pour l’année 2002.

Souvenez-vous, elle notait à la date du 11 septembre 2001 : “Jour heureux pour les transports.”

Pour 2002, elle prédit une situation internationale stabilisée, la fin des guerres et la reprise économique.

En conséquence, voici mes prévisions : attendez-vous au pire !