L’assassin habite chez Calmann Lévy

L’assassin habite chez Calmann Lévy

De nombreux auteurs de talent rongent leur plume dans un coin de la France littéraire d’en bas pendant qu’un assassin d’enfant n’a rencontré aucune difficulté à séduire l’industrie du livre.

Le passionné d’écriture enverra vainement son manuscrit aux éditeurs, par la poste. Il collectionnera les lettres de refus polis lui disant que ses textes ne semblent pas correspondre à l’attente du public ou qu’il n’existe pas de collection susceptible de les accueillir.

Un assassin d’enfant, lui, ne perd pas son temps à envoyer son précieux manuscrit par la poste. Il convoque les éditeurs. Et ils viennent. Tel petit papa Denoël qui envoya un de ses collaborateurs déjeuner avec la star-killer.

Finalement, c’est chez Calmann-Lévy que l’assassin d’enfant fera l’unanimité du comité de lecture qu’on félicitera au passage. Espérons qu’on ne se trompe pas en félicitant le comité puisqu’un éditeur dit toujours que votre ouvrage lui a fait forte impression, qu’il aurait vraiment souhaité le publier, mais que, hélas, son comité de lecture ne l’a pas suivi…À moins que les stars-killers soient dispensées du passage en comité de lecture.

Passons sur le contenu du bouquin dont la presse dit qu’il est sans intérêt, au cas où on aurait pensé en trouver un et surtout au regard de la “réinsertion sociale” honorable de l’artiste.

Il y a donc une collection et un public pour les confessions ratées de la vie ratée d’un assassin d’enfant.

La controverse s’anime à propos du scandale qu’il y aurait pour un assassin d’enfant à se faire du pognon sur la notoriété de son crime dont le motif était déjà de se faire du pognon. Un député est monté au créneau en préparant une proposition de loi pour que les droits d’auteur des criminels soient reversés à des associations. Mais jusqu’à ces derniers jours, personne ne semblait s’indigner qu’un éditeur et un réseau de diffusion ne se fasse du pognon sur le crime d’un enfant raconté par son auteur. Il faut savoir en effet qu’un ” écrivain ” perçoit entre 8 et 10 % du prix hors-taxes d’un livre, parfois plus s’il y a eu négociation sur des paliers de ventes. Ce n’est pas ” l’auteur ” qui dans cette affaire empocherait le plus de pognon. Le reste serait réparti entre l’éditeur (ce n’est pas lui qui gagne le plus), le diffuseur (c’est le plus gourmand) et le libraire (environ 33% quand même). N’oublions pas l’État qui, avec la TVA, empoche toujours sa part des mauvaises actions sans que nul ne le remarque. Une indignité en conséquence bien partagée, comme on peut le voir.

Mais voilà qu’on apprenait le 14 novembre dernier que les actionnaires de Calmann-Lévy avaient appelé Hachette Livre (qui détient 70% du capital de l’éditeur) à reverser ” la majorité des bénéfices issus de la vente du livre “ de l’assassin d’enfant à des associations.

Rien ne permet d’affirmer à ce jour que cette bonne résolution a été réellement suivie d’effet.

Une remarque cependant : si c’était pour aboutir à une affaire quasiment blanche, il eut été sans doute plus intelligent et surtout plus honorable de renoncer à publier les mémoires de l’assassin d’enfant.

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