Stephen King traque les souverains poncifs

Dans son dernier livre ÉCRITURE, mémoires d’un métier, publié chez ALBIN MICHEL, Stephen King donne quelques conseils d’écriture aux écrivains.
Ne vous attendez pas à un enseignement de haute volée malgré l’éloge de la quatrième de couverture qui n’hésite pas à qualifier ce livre de “hors norme et génial, tout à la fois essai sur la création littéraire et récit autobiographique. Mais plus encore révélation de cette alchimie qu’est l’inspiration.” Je comprends mieux pourquoi mon manuscrit a été refusé par ALBIN MICHEL. Si c’est ce niveau-là de l’écriture qui leur suggère le génie et le hors norme, il y avait de toute évidence une distance technique et une incompréhension entre nous.
Reprenant sans doute l’équivalent américain du Larive & Fleury, son cours de grammaire en CM2, Stephen King écrit, page 231 : “La comparaison zen n’est que l’un des pièges potentiels du langage au figuré. Le plus courant (le manque de culture littéraire est d’ailleurs à peu près toujours à l’origine de ce qui nous fait chuter) est l’utilisation de comparaisons, métaphores et images qui sont devenues des clichés. Il courait comme un fou, elle était jolie comme un cœur, il s’est battu comme un lion… Ne me faites pas perdre mon temps avec des poncifs aussi éculés. Vous risquez de passer pour paresseux ou ignorant. Aucune de ses descriptions n’améliorera votre réputation d’écrivain.”
Toujours prêt à prendre une leçon qui améliorerait mon style dans l’espoir d’être reconnu un jour par un éditeur traditionnel, j’ai donc consulté au hasard deux titres récents, deux romans, du catalogue… ALBIN MICHEL.
Premier exemple, le dernier roman d’un grand écrivain dont je ne citerai pas le nom par délicatesse, mais qui est publié parce qu’il présente le journal de 20 heures sur la première chaîne de télévision. Je prends une page au hasard. Je vous jure que je ne mens pas, vous pouvez vérifier.
Que lit-on :
– “Barbara lui répondit d’un pâle sourire...”
– “… cheveux noirs mi-longs, yeux verts, […] carrure athlétique…“
– “… elle attisait le regard des hommes.”
– “Elle démarra sur les chapeaux de roues…“
– “… s’en méfiaient comme de la peste.“
– “… tandis que leurs épouses les fusillaient du regard…“
– “… qu’il valait mieux ne pas tomber dans ses filets.“
Deuxième exemple : le roman d’un grand écrivain (tiens ? Certains ont le droit de publier un premier roman après 45 ans ?) dont je ne citerai pas le nom par délicatesse, mais qui est publié parce qu’il fait aussi tomber la neige.
Je vais me limiter à lire le début du roman, c’est-à-dire l’insipide, pardon : l’incipit.
“Bruxelles endimanché a lâché ses blancs moutons dans son ciel de printemps.”
C’est beau comme une rédaction du CM2.
Que disait Stephen ? Ah oui : “… Vous risquez de passer pour paresseux ou ignorant.”
Je ne sais pas si je dois m’adresser à Monsieur Albin ou à Monsieur Michel, mais, franchement, vous devriez dire à Monsieur King que ce n’est pas sympa de sa part de montrer du doigt les défauts de ses petits camarades.
C’est pas moi qui ferais une chose pareille…