Étiquette dans Délires

Piqûre de mystique

Rien de moins surprenant qu’en plein été on se retrouve enflé parce que piqué par un mystique.

Tout le monde le sait maintenant, Zidane a révélé en effet que son retour dans l’équipe de France lui avait été dicté par une voix qui s’était adressée à lui la nuit.

Depuis, on entend les journalistes sportifs s’interroger très sérieusement pour tenter d’élucider l’énigme mystique. Et quand un journaliste sportif donne dans l’analyse spirituelle, croyez-moi, ça vaut le détour.

On peut craindre désormais que l’idée fasse école et notamment en politique.

Il suffit de surveiller les atermoiements gênés des Hollande, Fabius, Lang, Sarkozy, Chirac et quelques autres, quand on leur demande s’ils seront candidats aux prochaines présidentielles. Les réponses sont : « On verra le moment venu… Si on me le demande… » Autrement dit, « J’attendrai qu’on me pousse à y aller… si je sens un frémissement… une volonté… » Donc un appel extérieur indépendant du libre-arbitre de l’interviewé.

C’est pourquoi je dis que les uns et les autres seraient bien capables de nous faire le coup de l’appel venu d’ailleurs.

Pour 2007, côté Chirac on est tranquille puisque la rumeur nous dit qu’il est sourd.

Fabius ? Tellement occupé à s’écouter parler, il ne peut entendre que lui-même.

Hollande ? On l’a bien vu depuis le dernier référendum : il s’y entend pour ne rien entendre.

Besancenot ? Les jeunes n’écoutent personne.

Le Pen ? Même Jeanne d’Arc ne s’est jamais adressé à lui. De toute façon a fait le plein des voix.

Lang ? Les mauvaises langues disent que ça rend sourd.

Chevènement ? À déjà côtoyé les anges. Faut se méfier, il en a peut-être profité pour se faire des amis.

Sarkozy ? Tellement à l’affût qu’il a dû se mettre lui-même sur écoute pour tout savoir de lui.

Villepin ? On sait déjà que c’est un grand sorcier depuis sa rencontre avec Bernard-Henri Lévy (voir mon billet de juin : « Faut-il canoniser Villepin ? ») . A surveiller.

Mais putain, j’y pense ! Pourvu que Jospin n’entende rien !

Aux dernières nouvelles, Zidane serait revenu sur ses déclarations en précisant qu’il avait tout simplement entendu… la voix de son frère, et qu’il ne fallait suspecter dans ses propos aucune allusion religieuse. Ah, c’est mieux comme ça.

A propos, une angoisse me prend soudain : il a un frère Jospin ?

Faut-il canoniser Villepin ?

Photo AFP

Pincez-vous, ce que vous allez lire est authentique, je n’invente rien.

Dès la nomination de Dominique de Villepin connue, Europe 1 interroge au téléphone Roselyne Bachelot pour connaître son opinion sur la personne du nouveau premier ministre. Elle raconte son entrevue avec lui le jour où elle a été nommée porte-parole du gouvernement. Elle dit qu’elle manquait de confiance en elle, qu’elle pensait ne pas être à la hauteur, et s’en ouvre à son ami : « Dominique de Villepin l’a deviné, dit-elle. Alors il m’a pris les mains, m’a regardée droit dans les yeux et m’a dit : Je sais que tu peux y arriver, aie confiance en toi, tout est en toi. » Alors Roselyne avoue que dès ce moment elle s’est sentie « transportée », « soulevée », car cet homme dégageait « quelque chose d’extraordinaire ».

Deuxième séquence surnaturelle racontée dans un chapitre du livre de Philippe Boggio, Une vie (la Table ronde), consacré à Bernard-Henri Lévy. Vous pouvez vérifier, ce que j’écris est révélé à partir de la page 417 et n’a pas été contesté.

“C’est une histoire invraisemblable, à faire peur, vérifiée à des sources fiables, une histoire de stigmates et de Christ”, prévient l’auteur.

Nous sommes en 1997. BHL déprime à l’île Maurice. Oui parce que l’élite déprime toujours à l’île Maurice. Son film Le jour et la nuit , vous vous en souvenez, est un échec. Dominique de Villepin, qui ne connaît pas BHL, l’apprend et lui téléphone pour lui demander de passer le voir dès qu’il sera de retour à Paris. Pourquoi cette sollicitude ? Parce que Villepin aime paraît-il rencontrer les gens en situation d’échec.

Comme organisé, les deux hommes se rencontrent quelques jours plus tard. Au cours de la conversation, Villepin dit à BHL : « Vous avez l’air d’un Christ sans plaies.  » BHL est surpris. La tête lui tourne. Il quitte son hôte et rentre chez lui. Journée difficile. La phrase de celui qui est alors secrétaire général de l’Élysée le hante. Sommeil agité, il se réveille en pleine nuit et… ses mains saignent ! Arielle Dombasle prend peur. Ils font le tour des hôpitaux. Paris, Londres, Milan. Quand on a du pognon, le médecin référant, on s’en tape.

« Après deux ou trois semaines, raconte l’auteur, ses blessures ont tendance à réapparaître en fin de journée et à se refermer la nuit ». BHL ne peut plus écrire, il est obligé de dicter ses articles. BHL rencontre de nouveau Villepin : « Pour chasser la gêne, Villepin plaisante. Il savait bien, s’étonne-t-il, qu’il avait un pouvoir, qu’il était un grand sorcier africain mais à ce point ! »

Hallucinant, non ?

Je ne voudrais me mêler imprudemment d’une affaire qui ne me regarde pas (d’autant que je n’aime pas trop les aiguilles), mais il faudrait immédiatement alerter Benoît je ne sais plus combien pour qu’il canonise Villepin sancto subito avant qu’il tue quelqu’un. Puisque là, plus d’enquête nécessaire comme pour Jean-Paul, les miracles étant avérés.

Alors si vous êtes privé d’emploi et dans la mouscaille jusqu’au cou, envoyez au Grand Sorcier Dominique un ongle ou une mèche de cheveux : il vous trouvera un job en moins de 100 jours.

Monsieur Dominique

  • Grand sorcier vaudou
  • Grand marabout chiraquien
  • 99% de réussite (le 1% manquant c’est la dissolution de l’Assemblée nationale suite à une grève des esprits)
  • Reçoit uniquement sur rendez-vous et seulement si vous êtes en vacances à l’île Maurice
  • Prévoit les heures de retours difficiles le week-end
  • Politologie dans le marc de café
  • Statistiques au pendule
  • Fait tourner les tables de négociation
  • Désintoxique de la 1664

Il n’y a plus quand même à espérer qu’il ne va pas se mettre à multiplier les Villepin…

Paco rabâche

Souvenez-vous, je vous prends à témoin. Il avait dit : « Si ma prédiction ne se réalise pas, je me retirerai et on n’entendra plus jamais parler de moi. » Donc, Paco Rabanne revient sur vos écrans. Il doit y avoir la promotion d’un bouquin dans l’air…

Ce n’était qu’une promesse inspirée par le monde politique. Autrement dit, lui aussi tirait les conclusions de son échec et se retirait de la vie prédictive. Donc, tout naturellement, le revoilà pour nous prédire un nouveau drame planétaire annoncé cette fois pour le 11 août 2007 !

Paco remet donc le ridicule puisqu’il a pu vérifier qu’il ne tuait pas.

Comme si la perspective des présidentielles ne suffisait pas, 2007 serait-elle envisagée comme l’année de toutes les catastrophes ?

En septembre 99, le mage Paco confiait pourtant à Paris-Match : « J’ai été d’une grande naïveté… Je vis depuis le 11 août avec le sentiment d’avoir fait une chose démesurée. J’ai été en butte à beaucoup d’insultes et de déchaînements de toutes sortes. La dérision, je l’ai méritée et je ne la discute pas… Et je dis, je redis, que je le regrette… Je me suis entêté comme une mule. J’ai été pris dans un torrent. Ne me contrôlant plus, je suis allé trop vite et trop loin. »

Son fiasco prophétique de 1999 ne lui a pas servi de leçon. Que le 11 août la station Mir ne nous soit pas tombée sur la gueule ne l’a pas découragé à persister dans la voyance aveugle, la pythie qui fait pitié, le vert devin qui devrait arrêter d’en boire.

Étonnante époque où les télévisions sont prêtes à concéder de précieuses minutes d’antenne à des farfelus qui viennent nous prédire une fin du monde improbable, alors qu’en son temps, avant 2003, elles négligeaient de prendre au sérieux ceux qui alertaient sur l’inquiétante vétusté des maisons de retraite…

Octobre noir

Octobre 2003.
L’été caniculaire a tué des milliers de vieilles personnes.
On accuse pêle-mêle l’indifférence, l’incapacité, l’irresponsabilité, l’imprévoyance, la météo.
Un type a dit à la télé que, de toute façon, elles seraient mortes tôt ou tard parce qu’elles étaient vieilles.
Plusieurs observateurs y voient le signe d’une société qui abandonne ses vieux parce qu’ils sont devenus improductifs et encombrants.
Certaines familles n’ont toujours pas réclamé les corps.
On discute toujours de la couleur du tricot Lacoste du ministre de la santé.
Sur FR3, la femme du président, qui au moment de l’hécatombe était en vacances au Canada, vient nous expliquer que nous sommes tous responsables. Nous sommes tous coupables. À ses côtés, sur le plateau de l’émission ” Au nom des autres ” animée par Évelyne Thomas, un amuseur-imitateur se dresse en moraliste et confirme que oui, nous sommes tous responsables. Responsables et coupables.

Tony Blair a été hospitalisé à la suite d’un léger malaise cardiaque.
Yasser Arafat souffre d’un calcul biliaire. La presse revient sur son opération du cerveau.
Un célèbre cancérologue est mort du cancer.
La France débat sur l’euthanasie.
TF1 nous dit tout sur les soins palliatifs.
Le saumon serait toxique et donnerait le cancer.
On assiste au retour de vieilles maladies qu’on croyait éradiquées.
Dans la région parisienne, on signale un cas de diphtérie, le premier depuis quinze ans.
Bush va bien. Il lance une campagne pour interdire les relations sexuelles avant le mariage.
Le terrorisme biologique menace.
Les experts se préparent à un retour du SRAS. Les autorités françaises planchent sur trois scénarios de sa réapparition.

Les Européens sont de plus en plus stressés au travail. Maux de dos, de tête, de poitrine, palpitations, troubles du sommeil et de la digestion, irritabilité, nervosité, abattement.
Des usines ferment. Le nombre de licenciements est en augmentation.
Le patronat dit que les Français sont paresseux, ils ne veulent pas travailler.

Nous sommes responsables du déficit de la sécurité sociale.
Nous allons trop souvent chez le médecin.
Nous consommons trop de médicaments.
Mais la radio diffuse tous les jours les messages d’une campagne publicitaire de l’industrie pharmaceutique.
Ces messages nous conjurent de surveiller notre taux de cholestérol.
Notre tension aussi, il faut la contrôler.
On nous engage à une hygiène de vie qui prévienne les maladies cardio-vasculaires.
On insiste : fumer tue.
On nous exhorte à contrôler notre diabète.
Et tous ces messages se terminent par : ” N’hésitez pas à consultez votre médecin ! “

La malbouffe menace nos enfants d’obésité.
Le Bureau de Vérification de la Publicité énonce quelques recommandations.
Les industriels et les publicitaires se décident à faire un effort en corrigeant la mise en scène commerciale des produits mis en accusation. À la télé, on verra toujours des gosses bouffer les mêmes merdes, mais on les verra maintenant se rendre malades “dans le cadre d’une activité physique.”

On nous éduque au tri sélectif de nos déchets ménagers. Le volume des emballages est trop important par rapport à nos épluchures. Nous sommes coupables de mal acheter. C’est de notre faute si nous ne savons pas choisir d’autres produits que ceux que l’industrie nous vend.

On dit que Diana a été assassinée.
Toutes les chaînes de télé diffusent des documents pour accréditer la version du complot.
Les librairies dégueulent de bouquins à l’appui de cette thèse.
On dit aussi que le vice-président Johnson est le commanditaire de l’assassinat de Kennedy.
Un film télé nous explique que Dominici n’a pas tué, il aurait été victime d’un complot.

La télé nous inonde d’images du pape en voyage. Il fait peine à voir. On dirait un candidat de Kholanta au bout du rouleau, gélatiné par la fatigue. Le vieil homme tremble de partout. Son visage a le teint d’un embaumé vivant.

L’industrie du disque a sorti des chansons inédites de Jacques Brel. Il les avait jugées insuffisamment travaillées pour être livrées au public. Maintenant qu’il est dans la tombe, on peut faire ce qu’on veut. L’une d’elle passe en boucle à la radio. Elle dit que l’amour est mort. À la fin, même le vieillard de Rome aurait envie de se suicider.

Le monde est devenu un enfer paranoïaque et hypocondriaque. La théorie du complot fait vendre des images et du papier, le catastrophisme est devenu un produit de grande consommation. Alors, dans cette atmosphère sombre et morbide, culpabilisé, le moral mis en berne, j’ai cauchemardé : Sulitzer entrait à l’Académie française, Christine Deviers-Joncour était élue Marianne de l’année, Obispo préparait un nouvel album et Alain Madelin avait été élu président de la République.

Et dans cette ambiance dépressive, le premier ministre de la France déclare : ” Il n’y aura pas de reprise économique si les Français ne retrouvent pas le moral. “
En voilà au moins un qui nous donne envie de sourire…