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Fiscalittérature

Les magazines, littéraires ou non, veulent nous faire rêver en nous faisant le coup de l’écrivain anachorète retiré du microcosme parisien pour méditer et écrire au vert pastoral de l’Irlande. Houellebecq y habite, Michel Déon aussi, et bien d’autres.

Dans toute la presse littéraire, on voit l’auteur de « La Possibilité d’une île » se promener dans la campagne irlandaise, un agneau dans les bras. Belle image romantique.

Malheureusement, la vérité sur ces évasions bucoliques est beaucoup plus terre-à-terre que ça : en Irlande, les écrivains sont exonérés d’impôts !

Clitolittéraire ou vaginoplumitive ?

Si vous abordez une prostituée sur un trottoir, faites-le désormais avec d’infinis égards. Grâce en effet à nos “grands éditeurs culturels”, c’est peut-être une “grande écrivaine” que vous allez déranger dans sa méditation solitaire. Approchez-vous d’elle, et plutôt que de lui demander brutalement à combien elle fait la pipe, demandez-lui à quelle école littéraire elle appartient, si elle est clitolittéraire ou vaginoplumitive.

Il ne s’agit pas ici de négliger les souffrances de ces jeunes femmes et d’être insensible et indifférent devant les multiples raisons familiales ou sociales qui les ont conduites vers la prostitution. Toutes les souffrances sont respectables, toutes les expériences sont à raconter, pour peu qu’on y ajoute un talent d’écriture, ce qui est en l’occurrence très rarement le cas. Mais de là à ce que nos grands éditeurs culturels les chassent pour en faire de “grands écrivains”, il y a quand même une passe à ne pas franchir.

Après journaliste (pour la promo et le renvoi d’ascenseur) et professeur de lettres (comme si un moniteur d’auto-école était potentiellement et nécessairement un pilote de Formule 1), la prostitution est le métier le plus convoité par nos grands éditeurs dans leurs choix éditoriaux. On ne sait pas comment les premiers doivent le prendre.

Autrefois, l’entregent d’un auteur aidait à la publication de son manuscrit. L’entrejambe s’avère aujourd’hui bien plus efficace.

Mais qu’on ne s’y méprenne pas. On rencontre parfois plus de bites et de couilles dans les écrits d’un prof de littérature que dans ceux d’une prostituée. C’est qu’à ce prix-là, vous comprenez, il y a surenchère.


La désormais célèbre Patricia, qui a dénoncé ce qui reste juridiquement d’hypothétiques soirées sados-masos toulousaines, vient de recevoir une avance d’éditeur de 15000 euros. Bientôt on fabriquera de toutes pièces de copieux scandales dans le seul but d’alimenter les éditeurs.

Dans une catégorie socioprofessionnelle voisine, on trouve la porno-star et la strip-teaseuse, très choyées elles aussi par les grands éditeurs culturels. Dernière ” écri-veine “ en date, Fily Houtteman, pour son livre “Profession strip-teaseuse, les dessous d’un métier “, et dont le texte en quatrième de couverture est un régal de langue de bois et de rhétorique en dentelles. Je cite : “Pour beaucoup, elle reste l’effeuilleuse insolente qui brisa un conte de fée monégasque. “ En termes plus rustiques, c’est la bimbo night-clubarde qui s’est fait surprendre (?) par les paparazzis alors qu’elle faisait une pipe à l’époux d’une princesse connue et dont le slip était en principe ôté.

Allez mesdemoiselles ! Toutes à vos Mac et taillez bien vos plumes !

Faut-il canoniser Villepin ?

Photo AFP

Pincez-vous, ce que vous allez lire est authentique, je n’invente rien.

Dès la nomination de Dominique de Villepin connue, Europe 1 interroge au téléphone Roselyne Bachelot pour connaître son opinion sur la personne du nouveau premier ministre. Elle raconte son entrevue avec lui le jour où elle a été nommée porte-parole du gouvernement. Elle dit qu’elle manquait de confiance en elle, qu’elle pensait ne pas être à la hauteur, et s’en ouvre à son ami : « Dominique de Villepin l’a deviné, dit-elle. Alors il m’a pris les mains, m’a regardée droit dans les yeux et m’a dit : Je sais que tu peux y arriver, aie confiance en toi, tout est en toi. » Alors Roselyne avoue que dès ce moment elle s’est sentie « transportée », « soulevée », car cet homme dégageait « quelque chose d’extraordinaire ».

Deuxième séquence surnaturelle racontée dans un chapitre du livre de Philippe Boggio, Une vie (la Table ronde), consacré à Bernard-Henri Lévy. Vous pouvez vérifier, ce que j’écris est révélé à partir de la page 417 et n’a pas été contesté.

“C’est une histoire invraisemblable, à faire peur, vérifiée à des sources fiables, une histoire de stigmates et de Christ”, prévient l’auteur.

Nous sommes en 1997. BHL déprime à l’île Maurice. Oui parce que l’élite déprime toujours à l’île Maurice. Son film Le jour et la nuit , vous vous en souvenez, est un échec. Dominique de Villepin, qui ne connaît pas BHL, l’apprend et lui téléphone pour lui demander de passer le voir dès qu’il sera de retour à Paris. Pourquoi cette sollicitude ? Parce que Villepin aime paraît-il rencontrer les gens en situation d’échec.

Comme organisé, les deux hommes se rencontrent quelques jours plus tard. Au cours de la conversation, Villepin dit à BHL : « Vous avez l’air d’un Christ sans plaies.  » BHL est surpris. La tête lui tourne. Il quitte son hôte et rentre chez lui. Journée difficile. La phrase de celui qui est alors secrétaire général de l’Élysée le hante. Sommeil agité, il se réveille en pleine nuit et… ses mains saignent ! Arielle Dombasle prend peur. Ils font le tour des hôpitaux. Paris, Londres, Milan. Quand on a du pognon, le médecin référant, on s’en tape.

« Après deux ou trois semaines, raconte l’auteur, ses blessures ont tendance à réapparaître en fin de journée et à se refermer la nuit ». BHL ne peut plus écrire, il est obligé de dicter ses articles. BHL rencontre de nouveau Villepin : « Pour chasser la gêne, Villepin plaisante. Il savait bien, s’étonne-t-il, qu’il avait un pouvoir, qu’il était un grand sorcier africain mais à ce point ! »

Hallucinant, non ?

Je ne voudrais me mêler imprudemment d’une affaire qui ne me regarde pas (d’autant que je n’aime pas trop les aiguilles), mais il faudrait immédiatement alerter Benoît je ne sais plus combien pour qu’il canonise Villepin sancto subito avant qu’il tue quelqu’un. Puisque là, plus d’enquête nécessaire comme pour Jean-Paul, les miracles étant avérés.

Alors si vous êtes privé d’emploi et dans la mouscaille jusqu’au cou, envoyez au Grand Sorcier Dominique un ongle ou une mèche de cheveux : il vous trouvera un job en moins de 100 jours.

Monsieur Dominique

  • Grand sorcier vaudou
  • Grand marabout chiraquien
  • 99% de réussite (le 1% manquant c’est la dissolution de l’Assemblée nationale suite à une grève des esprits)
  • Reçoit uniquement sur rendez-vous et seulement si vous êtes en vacances à l’île Maurice
  • Prévoit les heures de retours difficiles le week-end
  • Politologie dans le marc de café
  • Statistiques au pendule
  • Fait tourner les tables de négociation
  • Désintoxique de la 1664

Il n’y a plus quand même à espérer qu’il ne va pas se mettre à multiplier les Villepin…

Comment s’emmerder vraiment quand on n’est capable que d’ennui

Si vous êtes déprimé, au fond du trou, au bout du rouleau, blasé du sexe, si votre enfant redouble son année scolaire, si votre mère a attrapé le zona, si la presse vous a gonflé tout l’été avec les vacances cyclistes de Sarkozy, si votre patron veut revenir sur l’accord des 35 heures, si vous avez chopé une dermatose plantaire à la douche de la plage, si vous avez perdu deux points sur votre permis de conduire pour un léger dépassement de 5 km/heure, si votre femme menace de vous quitter parce qu’elle est tombée amoureuse du présentateur de l’île de la tentation, si votre maîtresse s’est fait tatouer sans vous prévenir “Je vote Sarko” sur le sein droit, si votre chirurgien menace de s’exiler sur l’île de Porquerolles pour revendiquer une hausse de ses honoraires, si vous avez passé une bonne partie de vos vacances sous la pluie à rendre votre cerveau disponible en regardant TF1, si vous n’arrivez pas à régler cette chiasse de chasse d’eau pour qu’elle ne coule plus, si vous craignez que Bush gagne les élections présidentielles, si vous venez de batailler plusieurs heures pour monter cette putain de commode de merde achetée en kit chez Ikea, si vous êtes chauffé par le sol et que ce système exclue toute pendaison au radiateur, si vous avez dégobillé toute la nuit le plat chinois acheté au rayon des surgelés et si, en plus, vous voulez vraiment vous faire chier davantage, alors lisez Les Désaxés, le dernier roman de Christine Angot, chez Stock.
Posologie conseillée : dix pages de lecture suffiront pour un résultat immédiat et surprenant.

L’industrie du livre tire la langue… vers le bas

Les éditions Fayard publient Aller-retour, tous frais payés, le dernier roman de Christine Arnothy.
Sur les vingt-deux lignes de texte en quatrième de couverture, on ne trouve pas moins d’une dizaine de clichés littéraires ! Une concentration d’expressions toutes faites et de lieux communs que l’on ne doit même pas rencontrer dans les plus mauvaises copies des ateliers d’écriture où pourtant “Aux premières lueurs de l’aube, les champs de blé ondulent sous les caresses d’un léger alizé pendant que carillonnent les cloches de la délicieuse petite chapelle du charmant village voisin.”

Épargnons-nous le texte entier, contractons plutôt la précieuse collection :

“À la terrasse d’une pâtisserie, un veuf séduisant couvre de compliments la serveuse d’une grande beauté, une rebelle de vingt ans. Étonnée par ses déclarations véhémentes, elle garde plus que jamais ses distances. Puis le veuf fait connaissance de la mère de la serveuse, une jolie divorcée de quarante ans. Il l’invite avec sa fille à Paris, sous prétexte d’une amitié à nouer. L’approche est plus que convenable. Un amour va naître.

En vente dans toutes les gares.

Veuf séduisant : pour dire d’un veuf qu’il pourrait éventuellement encore servir. Juxtaposition maintes fois rencontrée, comme s’il était indispensable de corriger cette idée d’un veuvage qui serait nécessairement l’équivalent de vieillesse et donc de dégradation physique.
Couvrir de compliments : expression multi-usages. On peut aussi couvrir de baisers, d’injures et d’opprobre.
Grande beauté : le type même d’expression qui ne veut rien dire. La beauté, on sait à peine ce que c’est. On n’a rien dit de plus en parlant de “grande beauté”.
Rebelle de vingt ans : signe extérieur de jeunesse depuis Rimbaud.
Garder ses distances : comme sur l’autoroute.
Jolie divorcée : comme “veuf séduisant”. Toute divorcée se doit d’être “jolie” pour prouver à la société que c’est elle qui est partie et qu’elle n’a pas été plaquée à cause d’un vilain bouton de fièvre.
Nouer une amitié : comme on noue sa serviette ou les lacets de ses chaussures.
Plus que convenable : Coluche aurait pu le dire : “Convenable, je sais ce que c’est, c’est convenable. Mais plus que convenable, je ne sais pas, ça vient de sortir.”
L’amour qui naît : (à ne pas confondre avec l’amour kiné importé de Thaïlande). Il y a des littératures qui gagneraient à accoucher sous X.

Ne jetons pas trop rapidement la pierre (cliché !) à l’auteur du roman en lui collant sur le dos (cliché !) cette négligence de style, bien qu’on puisse espérer qu’elle y a quand même jeté un coup d’œil (cliché !) avant d’en autoriser l’impression. Une occasion ratée de renvoyer le plumitif à ses chères études (cliché !). Mais on a froid dans le dos (cliché !) en pensant que ce texte a peut-être été rédigé par une direction littéraire. Barthes y chercherait vainement le grain de voix qui annonce un plaisir littéraire.

Tout est question de dosage. L’abus d’images tue le texte ou, tout au moins, noie le sens du texte. Écrire à coup de clichés et de lieux communs, c’est écrire avec la plume des autres. C’est porter en soi l’ambition d’un grand chef en se laissant aller à une cuisine de cafétéria. C’est piocher dans le patrimoine linguistique du café de la poste pour combler le vide de son inventivité. C’est Jean-Paul Gaultier qui puiserait son inspiration chez Kiabi.

Il s’agit moins ici de jouer les Cerbères (cliché !) de la langue que de sauter sur l’occasion (cliché !) pour épingler et mettre en boîte (cliché !) ces censeurs de manuscrits que sont les grands éditeurs culturels, d’habitude si exigeants avec les textes qu’ils reçoivent et, preuve est faite, si peu regardants avec ceux qu’ils publient. A croire qu’ils ne lisent ni les uns ni les autres.

L’édition soigne en principe cette quatrième de couverture. Le premier geste mécanique de tout lecteur est de retourner un livre pour la lire. Sa fonction commerciale est de séduire le futur lecteur en lui donnant un aperçu du plaisir qu’il aura à entrer dans le texte. Dans notre exemple, cette façon scolaire de s’exprimer retire toute intention qu’on aurait eue d’acheter un roman dont le sujet apparaît du coup extrêmement banal et ennuyeux comme la pluie (cliché !).

Cette rédaction (ne parlons pas ici d’écriture) est un modèle des pièges à éviter dans le traitement de la langue. Les enseignants devraient l’utiliser en échantillon de démonstration auprès de leurs élèves pour les éveiller à la vigilance dans l’acte d’écriture. Ils apprendraient à se méfier de la phrase qui vient toute seule sous la plume, qui s’invite sans crier gare (cliché !), à travailler leur texte et le travailler encore. A moins que l’ambition littéraire aujourd’hui ne soit pas plus élevée que celle de ma concierge quand elle rappelle ses locataires à l’ordre sur le tri sélectif.

Charles Dantzig définit ainsi le cliché littéraire : “Mot ou locution d’origine artistique, formant image, et qui est répété sans réfléchir.” (la Guerre du cliché, les Belles Lettres, 1998). Si l’expression toute faite est à fuir comme la peste(cliché !) si l’on ne veut pas écrire comme un pied (cliché !) ou comme un cochon (cliché !), elle peut toutefois s’admettre dans certains cas. On peut fermer les yeux (cliché !) devant un cliché littéraire ou un lieu commun si le texte le justifie. On peut l’employer délibérément si l’usage abusif du lieu commun fait partie de la construction du personnage ou dans un dialogue pour être plus proche de la langue parlée, ou par volonté de décontracter le propos. On peut aussi s’amuser à tordre le cou à un cliché pour le dépoussiérer, le détourner de son sens habituel, le rendre plus original, et finalement se l’approprier.

Ouvrons la presse d’aujourd’hui :
“Le commerce tisse sa toile…
“Budget de la ville : la sécurité se taille la part du lion.”
“Les panneaux publicitaires sur les panneaux publicitaires qui fleurissent à l’entrée des villes.”
Page des sports : “Le match a été mené d’un pas de sénateur.
L’abondance de clichés n’est ici pas gênante. Ce n’est pas de la littérature, c’est de la presse. Le titre doit accrocher le plus grand nombre de lecteurs, tous niveaux confondus, en les interpellant quelque part (cliché !). Plus le cliché est usé, plus il gagnera en efficacité. L’image sert ici à frapper rapidement l’attention sur le fait essentiel que l’article va développer. Si le lecteur de journal recherche une qualité d’information, des faits sérieux et vérifiés, une rédaction simple, courte et claire, il ne s’attend pas à y trouver une hauteur littéraire qui n’aurait de toute façon pas sa place dans ce contexte. Le journalisme n’est pas la littérature, c’en est même le contraire.
Mais l’usage Du cliché journalistique peut friser le ridicule (cliché !). Tel ce journaliste de télévision qui, le soir d’une élection, eut ces mots : “Les résultats devront être auscultés à la loupe.” Autres bijoux du prêt-à-porter rédactionnel et du journalisme sans peine quand, neuf fois sur dix, tout article de presse, commentaire de radio ou de télévision rapportant une catastrophe, se termine par cette phrase : “L’espoir de trouver des survivants s’amenuise au fil des jours.” Ce qui pourrait être le titre d’un livre sur l’avenir de la littérature !

Ce qui est supportable dans la presse l’est beaucoup moins en littérature où il semblerait que beaucoup succombent à la tentation (cliché !), cédant par facilité à une mauvaise habitude qui fait tache d’huile (cliché !). Prenons un livre sur l’étal du libraire et ouvrons-le au hasard. Quand je lis : “Du sang espagnol coule dans mes veines” (cliché !), la disparition de Nougaro me remet en mémoire ce que lui écrivait : “Est-ce l’Espagne en toi qui pousse un peu sa corne ?” Sur le traitement d’une idée assez proche, voilà la différence de style entre un simple rédacteur issu de la téléréalité (ce qui justifie aujourd’hui le mérite d’être publié chez Robert Laffont aux côtés de Jean d’Ormesson) et un auteur véritable.

En couverture du bouquin de Christine Arnothy, un sac et une valise posés au sol. C’est la littérature qui se fait la malle (cliché !).

Petite gorgée d’amertume

Dans une interview accordée à Jacques Gantié (Nice-Matin du 15 février 2004), l’écrivain Philippe Delerm qui publie ” Enregistrements pirates “ aux Éditions du Rocher, doit répondre à une question embarrassante:

 Au Rocher, que faites-vous à côté de B.B. ou Christine Deviers-Joncour ? lui demande le journaliste.
– Ça m’ennuie tous ces bouquins, certains sont pathétiques, mais je n’en fais pas un scandale. D’ailleurs, je ne suis directeur d’aucune collection et ne fais partie d’aucun jury.”

Réponse pleine de réserve et de gentillesse pour se démarquer pudiquement des choix d’un éditeur auquel il reste historiquement attaché : ” Sans lui, je n’aurais pas existé. Je lui reste fidèle. “ Loyal.

Il n’en demeure pas moins que ces productions l’ennuient, qu’il les juge pathétiques et qu’il s’empresse de dégager toute responsabilité, de près ou de loin, dans les derniers égarements de sa maison d’édition. Une critique à petite gorgée qui a quand même un goût d’amertume.

Turluttérature française

Nouvelle audace littéraire (après Bardot) des éditions du Rocher qui publient ” Toi masculin mon féminin “, le dernier (on croise les doigts… et les jambes !) roman érotique de Christine Deviers-Joncour.

“Devant lui je m’agenouille. Doucement, je promène mes mains. À travers le vêtement de peau d’ange, je l’effleure du bout des doigts. Sa virilité dessinée sous le velouté du tissu m’excite davantage. J’approche doucement mes lèvres. Il ne bouge pas, la tête jetée en arrière, à fleur de peau, il attend. Son souffle est court. Je sens perler son désir que je cueille du bout de la langue. […] “

Bref, elle lui fait une pipe, au mec, et s’en fout partout. Le genre de phrase sulfureuse qui vous fait passer de droit chez Ardisson, le samedi soir, pour la promo [Tout le monde en parle, France 2].

En la travaillant un peu au corps, la Christine, vous saurez tout sur le zizi. La longueur, l’épaisseur, la vitesse de rotation. Bien sûr, l’auteur marquera comme toujours une légère réprobation. Elle fera mine de ne pas comprendre pourquoi on n’extrait que ces lignes pour parler de son chef-d’œuvre. Alors que ces lignes sont parfaitement intentionnelles, un peu comme on vend un mauvais film avec une bande-annonce aguicheuse. La preuve : c’est justement le passage qui a été choisi par l’éditeur pour la quatrième de couverture ! Le tout dans une langue bien trempée (voir plus haut pour les détails) qui vous fait connaître immédiatement la gloire médiatique.

Le lecteur-acheteur abusé se demandera (c’est le but) si l’énigmatique organe n’appartiendrait pas par hasard à un ancien ministre. Mais non ! Qu’allez-vous chercher là ? À chaque fois, Christine entretient le doute aussi bien qu’une érection.

Questionnée sur son passé judiciaire comme à chacune de ses apparitions (on a le curriculum vitae littéraire que l’on peut), elle ne comprend toujours pas qu’il soit répréhensible qu’un dirigeant de société pique dans la caisse pour se payer des vacances. Elle s’en offusque. Après tout, c’est son argent. Ardisson lui explique de nouveau ce qu’est un abus de bien social. Elle se rajuste les cervicales pour y trouver une idée opposable qui doit déjà glisser le long du dos. Finalement elle s’ébroue, genre “passons à autre chose”, et paraît gênée de contredire son hôte. Nul doute, pour elle, ça reste une hérésie. Ce qui démontre que le Code pénal n’est pas sexuellement transmissible.

Alors qu’on ne s’étonne pas, nous prévient-elle, “que les cerveaux quittent notre pays.” Stupeur et tremblements. On imagine la ménagère de moins de cinquante ans regardant l’émission, cramponnée à son canapé, terrifiée à l’idée que Christine pourrait fuir l’intelligentsia parisienne pour aller offrir son immense talent littéraire à l’étranger. Les plus optimistes y auront sans doute vu l’heureuse menace d’un départ.

Quitter la France ? Mais pour aller où ? À Taïwan, où elle ne serait qu’une vedette ? Non Christine, laisse ton cerveau en France, dans ce magnifique pays où les belles cervelles se ressemblent, se rencontrent et s’entraident ; un pays magnifique où des cerveaux du même poids que le tien font de toi une vraie star de l’écriture. Un pays où de fins éditeurs, sur la masse de manuscrits qu’ils refusent toutes les semaines, ont tout de suite vu que ton sujet n’avait jamais été traité et que ton style sentait bon la nostalgie du cliché littéraire pourchassé dans toutes les narrations des classes de sixième. Citons :


Les enivrantes effluves des parfums : Dieu que la banalité est belle ! Deux clichés pour le prix d’un !
(Avec une faute d’orthographe à “enivrantes” que les correcteurs des Éditions du Rocher écrivent avec deux n !)
Je promène mes mains… : et marcher, c’est promener ses jambes ?
Son souffle est court : le souffle littéraire aussi.
Je sens perler son désir : comme si elle gobait une huître…

Et la direction littéraire qui en remet une couche en quatrième de couverture pour encenser le style du grand écrivain : Une écriture d’une sensualité à fleur de peau. Le cliché étant usé, éculé, il doit s’agir probablement d’une vieille peau.

On se souvient des déclarations de Jean-Paul Bertrand, patron des Éditions du Rocher (si c’est toujours lui), dans une interview qu’il donnait à Jacques Chancel.
Las d’être envahi de manuscrits jugés par lui sans valeur, il s’apprêtait à écrire un livre qui expliquerait à la France littéraire d’en bas comment il faut écrire. Des conseils qu’il ferait bien de réserver aux illettrés de son propre catalogue.

NB : Christine vient également d’enregistrer un album musical, ce qui doit ravir les jeunes talents que les maisons de disques refusent sans écouter ce qu’ils proposent. À quand un film et un rôle au théâtre ?

Et Dieu créa l’infâme

Inutile de revenir ici sur le contenu du dernier (on espère que ce sera le dernier) livre de Brigitte Bardot (1). Quand dans le précédent elle écrivait qu’elle aurait préféré mettre au monde un chien plutôt que son fils, on ne pouvait guère s’attendre à une élévation de pensée et une amélioration du style dans un nouveau bouquin qu’on feuillette au hasard avec la même curiosité intellectuelle qui nous anime quand on jette un coup d’œil sur un dépliant publicitaire qu’un fabricant de pizzas nous a glissé dans la boîte aux lettres.

Marc-Olivier Fogiel (” On ne peut pas plaire à tout le monde “ – FR3, 12 mai 2003) a été critiqué pour avoir entraîné l’actrice, contre son gré, à parler de son livre en deuxième partie d’émission. On peut cependant juger qu’il a fait son boulot car la sortie du bouquin concomitante avec la diffusion de l’émission n’était sûrement pas innocente. L’éditeur aurait bien voulu profiter de l’impact de l’émission pour faire monter les ventes dès le lendemain, mais il n’était pas question (prudence !) de discuter du fond en prenant le risque de perdre des clients au passage. Difficile dans ces conditions de reprocher à l’animateur de l’émission dans laquelle on se présente d’entrer dans ce jeu-là et de passer cet “événement” plus marketing que littéraire sous silence.

Mais la vérité est peut-être ailleurs. Cette vérité, c’est que Brigitte Bardot ne souhaitait pas parler de son livre en dehors du cadre d’une émission littéraire. Hélas, il ne suffit pas d’élever des chats pour être un écrivain. Et de toute façon, les émissions littéraires “vendent” moins bien que ces émissions “people” dites culturelles.

Si Madame Bardot a été publiée, ce n’est pas pour ses dons littéraires, ce n’est pas pour la haute volée de ses réflexions, mais tout simplement parce que son nom suffit à vendre du papier. Exactement pour la même raison qu’on publie la prose lénifiante niveau CM2 d’une égarée de telle ou telle émission de téléréalité.

Elle dit : ” Je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas. “ Slogan déjà entendu, on sait d’où il vient.
On lui laisserait volontiers croire qu’il s’agit bien là de ce que le peuple pense tout bas si cela pouvait la dissuader de l’écrire.

Elle dit : ” J’ai le droit de m’exprimer. On est en démocratie. “ Certes. Il ne viendrait à l’esprit d’aucun démocrate de lui contester ce droit. Même si ce droit d’expression qu’elle revendique pour elle-même aujourd’hui était demain contesté aux autres si ses amis politiques arrivaient au pouvoir.

Tout y passe pêle-mêle et rien ne trouve grâce à ses yeux. L’architecture, la peinture, la danse, le théâtre, la littérature, les enseignants (“ils portent des baskets et ont les cheveux sales”), les Arabes et même les Français (“tous gras et moches”). Un magma d’idées préconçues, une misanthropie stupide, agressive. Le genre de propos que pourrait tenir ma concierge quand elle sort les poubelles.

Vomir n’est pas écrire. Ou si vomir c’est aussi écrire, il faudra faire des efforts.

Si on est effrayé par la misère culturelle ce qu’on lit, on ne peut s’empêcher d’éprouver malgré tout un peu de compassion pour une femme qui vit recluse dans sa propriété tropézienne et qui ne connaît plus du monde que ce qu’elle voit à la télévision (elle l’avoue). On songe alors à tous les êtres isolés comme elle qui ont abandonné tout sens critique devant la force de l’image. On pense à toutes les télé victimes rongées par la haine, abusées par l’effet de loupe de la télévision, à toutes ces hargnes militantes qui nous promettent d’autres 20 avril. Il y a bien longtemps que “la fenêtre ouverte sur le monde” intoxique plus qu’elle ne cultive. Ne regarder le monde qu’en se penchant à cette fenêtre équivaut à une tentative de suicide.


Le psychiatre interrogé a dit qu’elle s’était probablement identifiée à la souffrance des animaux qu’elle protège. Leur souffrance, c’est la sienne. Alors elle se révolte contre les autres, tous les autres, les agresseurs. Logique d’une femme blessée qui fait payer ces souffrances et qui ne s’embarrasse pas de réflexions plus approfondies.

On pense au plaisir qu’aurait pu donner son livre si elle accordait à l’humanité autant d’amour et de passion qu’elle en donne aux animaux.

 

Le bouquin a pour titre Un cri dans le silence.
Mais ce qu’on préfère chez Brigitte Bardot, c’est le silence.

Un chapelier qui se piquait d’écrire présenta un jour son manuscrit à Voltaire. En lui restituant son œuvre, Voltaire l’accompagna de ce conseil : “Faites des chapeaux, Monsieur, faites des chapeaux.”
Brigitte Bardot, elle aussi, devrait limiter son talent à la protection des bébés phoques.


(1) Le manuscrit a été refusé par plusieurs éditeurs, dont Albin Michel, pour être finalement accepté par le comité de lecture (Pan !) des Éditions du Rocher qui sait apprécier la belle littérature…

NB : en consolation, on lira le livre (dont personne ne parle et c’est normal de nos jours) de Marianne Gray consacré à Jeanne Moreau (Éditions du Nouveau monde). Jeanne Moreau, véritable star à mon goût – et là pour une fois on peut employer le mot à bon escient –, femme élégante et d’élégances, de culture, on se souvient de son passage il y a quelques années chez Pivot où elle était intarissable sur la littérature allemande.

L’assassin habite chez Calmann Lévy

De nombreux auteurs de talent rongent leur plume dans un coin de la France littéraire d’en bas pendant qu’un assassin d’enfant n’a rencontré aucune difficulté à séduire l’industrie du livre.

Le passionné d’écriture enverra vainement son manuscrit aux éditeurs, par la poste. Il collectionnera les lettres de refus polis lui disant que ses textes ne semblent pas correspondre à l’attente du public ou qu’il n’existe pas de collection susceptible de les accueillir.

Un assassin d’enfant, lui, ne perd pas son temps à envoyer son précieux manuscrit par la poste. Il convoque les éditeurs. Et ils viennent. Tel petit papa Denoël qui envoya un de ses collaborateurs déjeuner avec la star-killer.

Finalement, c’est chez Calmann-Lévy que l’assassin d’enfant fera l’unanimité du comité de lecture qu’on félicitera au passage. Espérons qu’on ne se trompe pas en félicitant le comité puisqu’un éditeur dit toujours que votre ouvrage lui a fait forte impression, qu’il aurait vraiment souhaité le publier, mais que, hélas, son comité de lecture ne l’a pas suivi…À moins que les stars-killers soient dispensées du passage en comité de lecture.

Passons sur le contenu du bouquin dont la presse dit qu’il est sans intérêt, au cas où on aurait pensé en trouver un et surtout au regard de la “réinsertion sociale” honorable de l’artiste.

Il y a donc une collection et un public pour les confessions ratées de la vie ratée d’un assassin d’enfant.

La controverse s’anime à propos du scandale qu’il y aurait pour un assassin d’enfant à se faire du pognon sur la notoriété de son crime dont le motif était déjà de se faire du pognon. Un député est monté au créneau en préparant une proposition de loi pour que les droits d’auteur des criminels soient reversés à des associations. Mais jusqu’à ces derniers jours, personne ne semblait s’indigner qu’un éditeur et un réseau de diffusion ne se fasse du pognon sur le crime d’un enfant raconté par son auteur. Il faut savoir en effet qu’un ” écrivain ” perçoit entre 8 et 10 % du prix hors-taxes d’un livre, parfois plus s’il y a eu négociation sur des paliers de ventes. Ce n’est pas ” l’auteur ” qui dans cette affaire empocherait le plus de pognon. Le reste serait réparti entre l’éditeur (ce n’est pas lui qui gagne le plus), le diffuseur (c’est le plus gourmand) et le libraire (environ 33% quand même). N’oublions pas l’État qui, avec la TVA, empoche toujours sa part des mauvaises actions sans que nul ne le remarque. Une indignité en conséquence bien partagée, comme on peut le voir.

Mais voilà qu’on apprenait le 14 novembre dernier que les actionnaires de Calmann-Lévy avaient appelé Hachette Livre (qui détient 70% du capital de l’éditeur) à reverser ” la majorité des bénéfices issus de la vente du livre “ de l’assassin d’enfant à des associations.

Rien ne permet d’affirmer à ce jour que cette bonne résolution a été réellement suivie d’effet.

Une remarque cependant : si c’était pour aboutir à une affaire quasiment blanche, il eut été sans doute plus intelligent et surtout plus honorable de renoncer à publier les mémoires de l’assassin d’enfant.