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La comtesse au foie gras

Je suis toujours amusé d’entendre certaines personnes tirer une sorte de petite fierté sociale à se fournir en mets fins à l’enseigne de la « Comtesse du Barry ».

Car ce que les gens ignorent probablement, c’est que la comtesse du Barry était en réalité… une personne de petite vertu, pour le dire pudiquement. Je ne l’accable pas pour autant, je dis la vérité historique, c’est tout.

Résumons : de son vrai nom de jeune fille (si je puis dire), elle s’appelle Jeanne Bécu. Sa mère est couturière et compte de nombreux amants parmi lesquels un moine dont la petite Jeanne est l’enfant naturelle. Vers l’âge de 15 ans, elle devient la maîtresse de Jean du Barry qui la met sur le trottoir pour redorer son blason financier. Puis elle rencontre Louis XV (on ne vous dira pas pour quoi faire) qui la marie au frère du proxo avant de la faire comtesse (on ne vous dira pas non plus en reconnaissance de quels services). Bref, c’est comme dans votre entreprise aujourd’hui, mais c’est mal vu de l’ébruiter.

Les gens du marketing et de la publicité le savaient-ils quand ils ont préconisé le nom de l’enseigne ? Probablement pas. Comme lorsqu’ils ont décidé de prendre l’écureuil comme symbole de la Caisse d’épargne, alors que l’écureuil est un animal bordélique qui ne sait jamais où il a foutu sa nourriture !

Si bien que maintenant – et c’est la force de persuasion du marketing et de la publicité –, il est devenu très chic d’acheter son foie gras en mémoire d’une pute et très prévoyant de confier son argent à un foutoir institutionnel…

Messier est servi !

Sous la présidence d’André Santini, député-maire d’Issy-les-Moulineaux, le jury du prix Iznogoud récompense chaque année, je cite : « une personnalité d’une grande notoriété qui a tenté de devenir calife à la place du calife, s’est vantée et a échoué dans son entreprise ».

Le choix du jury, notamment composé de Roselyne Bachelot et du dessinateur d’Iznogoud Jean Tabary, s’est porté cette année sur… Jean-Marie Messier pour l’ensemble de son œuvre universelle.

Ayons une pensée pour tous les employés du groupe Vivendi qui ont dû se réjouir à l’annonce de cette petite récompense bien méritée, eux à qui on aura refusé une augmentation de 10 euros par mois (ça existe) au prétexte que leurs prétentions risquaient de mettre en péril la bonne santé de l’entreprise ; alors que peu de temps avant une éviction prévisible, leur patron s’octroyait une augmentation de salaire de 128 % sur la base d’une rémunération qu’il serait indécent de rappeler ici par ces temps de grosse chaleur…

Dans la France d’en bas, on connaît peu de commerciaux à qui on proposerait une augmentation de salaire de 128 % au regard d’une chute de 77 % de leur portefeuille. C’est pourtant dans ces proportions-là que la France d’en haut se gratifie.

Comme l’ancien patron d’Air Lib qui, à peine nommé président pour redresser une entreprise en difficulté, s’est octroyé une « prime de bienvenue » de 800 000 euros ! C’est ce qui s’appelle voler de ses propres zèles.

Comme l’ancien patron d’Elf qui, venant à peine de signer sa lettre de démission, court s’acheter l’après-midi même pour 80 000 F de mobilier de jardin avec la carte bleue de l’entreprise qu’il avait « oublié » de rendre. Il dira au juge que c’était une « inadvertance » de sa part, que c’était une habitude et qu’il n’avait pas encore pris conscience qu’il n’appartenait plus à l’entreprise. Une entreprise où l’on doit encore trouver un sous-califougasse qui rationne les gommes et les crayons au petit personnel pour maîtriser ses frais de gestion. Non, mais !

Ayons également une pensée pour toutes les têtes de collaborateurs compétents que le califounet Messier a dû couper pour atteindre la puissance convoitée. C’est que tout patron qui veut se donner rapidement et artificiellement de l’envergure doit nécessairement tuer des gens sur son passage, des hommes et des femmes plus compétents que lui, plus loyaux, plus intègres, pour arriver à imposer un jour sa propre expérience de l’incompétence. Le principe de Peter exige quelques sacrifices.

Hélas, le sort s’acharne sur califournouille. Le tribunal de grande instance de Paris vient de mettre sous séquestre l’indemnité de départ de 20,6 millions d’euros qu’un tribunal artibral américain lui avait récemment accordé. Tout le monde compatira à cette petite misère financière car chacun sait l’importance d’avoir un petit pécule devant soi quand on s’apprête à passer l’été au camping de la plage avec sa petite famille.

Et voici que l’APPAC, association de défense des actionnaires, porte plainte contre X pour abus de bien social concernant les salaires de 2002 et les indemnités de départ de Vivendi Universal du califourchon. Un montant exagéré de la partie variable de la rémunération d’un patron, au regard du résultat négatif de sa société, constituerait un abus de bien social. En 2002 en effet, pour six mois de travail à la tête de VU, Messier aurait touché 5,6 millions d’euros tandis que le groupe affichait sur l’ensemble de l’année une perte historique de 23,3 milliards d’euros.

Mais les petits malheurs du califourchette ne s’arrêtent pas là. Outre l’ouverture d’une enquête judiciaire contre X pour « publication de faux bilans » et « diffusion d’informations fausses ou trompeuses » au marché, voici qu’un de ses anciens collaborateurs, le député UMP Alain Marsaud, prend la tête d’une mission d’information de l’Assemblée nationale sur les rémunérations excessives de grands patrons du CAC 40.

Voilà ce qui arrive, cher Iznogoud, quand on s’amuse à donner un coup de calife dans le contrat.