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Et Dieu dans tout ça ?

Affaire Lambert. En marge de l’exposition médiatique et des manifestations impudiques et parfois hystériques qui ont marqué cette douloureuse affaire, un petit détail d’ordre spirituel est passé apparemment inaperçu. Comment expliquer que des catholiques intégristes aient aussi peu confiance en Dieu et en son paisible paradis ? Je comprends bien que, pour eux, Dieu donne la vie et que lui seul peut la reprendre. Mais comment s’en remettre à la justice des Hommes et s’acharner autant par toutes les arguties juridiques à reculer l’heure à laquelle le pauvre Vincent aurait pu s’asseoir à la droite du seigneur ? Au fond, la foi est plus souple à manier selon les circonstances comparée à la réticence angoissée de coucher sur le papier ses directives anticipées. Il est peut-être plus facile d’agiter son espérance face à un Dieu que de se confronter à la réalité de sa propre finitude. L’intérêt de croire dans une forme d’intégrisme libéral, c’est d’imaginer qu’on retarde l’échéance par les bonnes grâces de la transcendance. 

Toute condamnation à mort nuit gravement à la santé

Dans les prisons de l’État de Californie, il est désormais interdit de fumer, sans doute pour éviter de mettre en danger la vie des condamnés à mort. C’est d’ailleurs dans leur quartier que l’idée selon laquelle « fumer tue » a le plus de mal à passer.

L’information ne dit pas si, de fait, les passages à tabac seront proscrits.

Après l’abandon du dernier verre au nom de la lutte contre l’alcoolisme et maintenant de la cigarette, la peine capitale va, c’est sûr, être beaucoup moins conviviale. Il paraît même que certains détenus pensent que la mort ne vaut plus la peine d’être vécue…

La comtesse au foie gras

Je suis toujours amusé d’entendre certaines personnes tirer une sorte de petite fierté sociale à se fournir en mets fins à l’enseigne de la « Comtesse du Barry ».

Car ce que les gens ignorent probablement, c’est que la comtesse du Barry était en réalité… une personne de petite vertu, pour le dire pudiquement. Je ne l’accable pas pour autant, je dis la vérité historique, c’est tout.

Résumons : de son vrai nom de jeune fille (si je puis dire), elle s’appelle Jeanne Bécu. Sa mère est couturière et compte de nombreux amants parmi lesquels un moine dont la petite Jeanne est l’enfant naturelle. Vers l’âge de 15 ans, elle devient la maîtresse de Jean du Barry qui la met sur le trottoir pour redorer son blason financier. Puis elle rencontre Louis XV (on ne vous dira pas pour quoi faire) qui la marie au frère du proxo avant de la faire comtesse (on ne vous dira pas non plus en reconnaissance de quels services). Bref, c’est comme dans votre entreprise aujourd’hui, mais c’est mal vu de l’ébruiter.

Les gens du marketing et de la publicité le savaient-ils quand ils ont préconisé le nom de l’enseigne ? Probablement pas. Comme lorsqu’ils ont décidé de prendre l’écureuil comme symbole de la Caisse d’épargne, alors que l’écureuil est un animal bordélique qui ne sait jamais où il a foutu sa nourriture !

Si bien que maintenant – et c’est la force de persuasion du marketing et de la publicité –, il est devenu très chic d’acheter son foie gras en mémoire d’une pute et très prévoyant de confier son argent à un foutoir institutionnel…

Piqûre de mystique

Rien de moins surprenant qu’en plein été on se retrouve enflé parce que piqué par un mystique.

Tout le monde le sait maintenant, Zidane a révélé en effet que son retour dans l’équipe de France lui avait été dicté par une voix qui s’était adressée à lui la nuit.

Depuis, on entend les journalistes sportifs s’interroger très sérieusement pour tenter d’élucider l’énigme mystique. Et quand un journaliste sportif donne dans l’analyse spirituelle, croyez-moi, ça vaut le détour.

On peut craindre désormais que l’idée fasse école et notamment en politique.

Il suffit de surveiller les atermoiements gênés des Hollande, Fabius, Lang, Sarkozy, Chirac et quelques autres, quand on leur demande s’ils seront candidats aux prochaines présidentielles. Les réponses sont : « On verra le moment venu… Si on me le demande… » Autrement dit, « J’attendrai qu’on me pousse à y aller… si je sens un frémissement… une volonté… » Donc un appel extérieur indépendant du libre-arbitre de l’interviewé.

C’est pourquoi je dis que les uns et les autres seraient bien capables de nous faire le coup de l’appel venu d’ailleurs.

Pour 2007, côté Chirac on est tranquille puisque la rumeur nous dit qu’il est sourd.

Fabius ? Tellement occupé à s’écouter parler, il ne peut entendre que lui-même.

Hollande ? On l’a bien vu depuis le dernier référendum : il s’y entend pour ne rien entendre.

Besancenot ? Les jeunes n’écoutent personne.

Le Pen ? Même Jeanne d’Arc ne s’est jamais adressé à lui. De toute façon a fait le plein des voix.

Lang ? Les mauvaises langues disent que ça rend sourd.

Chevènement ? À déjà côtoyé les anges. Faut se méfier, il en a peut-être profité pour se faire des amis.

Sarkozy ? Tellement à l’affût qu’il a dû se mettre lui-même sur écoute pour tout savoir de lui.

Villepin ? On sait déjà que c’est un grand sorcier depuis sa rencontre avec Bernard-Henri Lévy (voir mon billet de juin : « Faut-il canoniser Villepin ? ») . A surveiller.

Mais putain, j’y pense ! Pourvu que Jospin n’entende rien !

Aux dernières nouvelles, Zidane serait revenu sur ses déclarations en précisant qu’il avait tout simplement entendu… la voix de son frère, et qu’il ne fallait suspecter dans ses propos aucune allusion religieuse. Ah, c’est mieux comme ça.

A propos, une angoisse me prend soudain : il a un frère Jospin ?

Métaphores en gueule

Il est quand même réconfortant de constater parfois que dans le domaine judiciaire notre société avance à grands pas.

À preuve cette décision de justice qui vient très officiellement de considérer que l’expression « [bip]culé de ta race » n’était pas une insulte susceptible de mettre juridiquement en cause son auteur pour diffamation. Il s’agirait d’une sorte d’expression-réflexe dont le sens premier n’est pas à retenir précisément. « En[bip]lé » est donc à prendre comme une simple métaphore qui ne veut pas nécessairement signifier une honteuse dilatation de l’anus obtenue sous l’insistante exploration d’un objet étranger. Quant au mot race , il ne viserait personne en particulier puisqu’il se rapporte à l’humanité entière, les scientifiques nous ayant expliqué qu’il n’y en a pas plusieurs mais une seule, la race humaine.

Dire à quelqu’un « En[bip]lé de ta race » se retourne alors contre son auteur en devenant une sorte d’autopénétration que seule la langue française permet de réaliser sans plus de contorsions qui pourraient mettre en danger l’état des cervicales.

Autre décision importante de la justice française, la cour de cassation a annulé la condamnation d’un mensuel qui avait qualifié le Beaujolais de « vin de m… ». Sur plainte de 56 syndicats viticoles, la cour d’appel de Lyon avait pourtant confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône. L’article contesté reprenait les termes d’un professionnel français de la dégustation qui déclarait que les viticulteurs du Beaujolais « étaient tout à fait conscients de commercialiser un vin de m… » . La cour de cassation a donc estimé que les précédentes décisions judiciaires étaient contraires à la Convention européenne des droits de l’Homme qui protège la liberté d’expression.

Au nom de la liberté d’expression et sous le haut patronage de la justice française, je suis donc ravi de pouvoir dénoncer ici les éditeurs culturels français pour leur littérature marchande de m… et leurs en[bip]lés d’auteurs à chi[bip] (autre exemple métaphorique – Trope du premier niveau).

Ah ! Ça soulage bor[bip] de société ! (Expression également métaphorique).

Benoît le bon tuyau

On voit ici le pape affublé d’un casque de pompier italien. Est-ce que la foi en Dieu ne suffirait pas à se préserver des flammes de l’enfer ?

La dépêche AFP dit qu’un infirme lui a tendu un téléphone portable et que le pape a, de bonne grâce (moindre des choses dans sa position), accepté de converser avec son interlocuteur anonyme. Mince ! Pourvu que ce ne soit pas par hasard Villepin qui chercherait à faire homologuer ses miracles !

NDLR : notez bien que le numéro d’urgence des pompiers n’a pas pour autant changé. Il s’agit bien du 18 et non du 16.

Civisme Academy

Quoi que l’on pense de cette loi qui nous a contraints à travailler hier lundi de Pentecôte, elle a été votée par le Parlement, notre représentation démocratique nationale, et dès lors s’impose à tous.

Or des parents et des associations ont retenu les enfants d’aller à l’école au motif qu’ils ne sont pas salariés et donc pas concernés. La preuve statistique est apportée aujourd’hui : 80% des enseignants étaient à leur poste, ce sont les élèves qui ne sont pas venus. Quand les cantines étaient ouvertes, la nourriture a dû être jetée.

En dehors de toute polémique sur la destination sincère des fonds prélevés et sur la méthode employée, la question sociale posée est : comment trouver les moyens de financer les besoins des personnes âgées dépendantes pour le présent et le futur ? La solution de l’impôt n’étant pas retenue pour la raison que l’on sait, le débat est ouvert sur l’opportunité de la décision mise en place.

En arrière-plan de cette question purement « politique » et technique, on trouve l’application du caractère moral de la solidarité dans une société républicaine. Il faut pouvoir séparer les deux et dire : « Je suis d’accord sur le principe de solidarité en général et envers nos aînés en l’occurrence ; je ne suis pas d’accord avec la méthode adoptée. » Il ne reste plus alors qu’à discuter démocratiquement du procédé, le remettre en cause et contraindre si nécessaire à une modification de la loi.

En attendant, la loi votée s’applique.

Pense-t-on remplir son rôle d’éducation en incitant un enfant à ne pas se soumettre à la loi commune ?

Je me souviens d’un reportage télévisé où l’on voyait un ado, arrêté pour ne pas avoir porté son casque en scooter, répondre aux policiers qui lui disaient que c’était la loi : « eh ben, c’est pas la mienne. Je suis pas d’accord avec. Cette loi je la veux pas. »

Allez maintenant expliquer au gamin les raisons pour lesquelles il doit obtempérer !

Si un enfant scolarisé n’est certes pas salarié, son éducation représente un coût. En allant à l’école, il met en œuvre toute une logistique qui représente un poids financier pour la société et se traduit par une charge fiscale répartie sur l’ensemble des contribuables, qu’ils aient ou non des enfants.

Cette éducation gratuite, il la doit aux combats de ses aînés pour une école républicaine accessible à tous. Il est donc, à travers le temps, le bénéficiaire d’un acte de solidarité. Ce serait bien qu’à son tour il soit sensible à ce principe en y étant éduqué par ses parents, par le raisonnement et par l’exemple. Qu’il ne soit pas salarié ne le dispense pas de concourir moralement à la solidarité nationale.

C’est comme si les hommes et les femmes de ce pays demandaient, chacun pour leur compte, une exonération partielle de leurs cotisations sociales : les premiers parce qu’ils ne se sentiraient pas « directement concernés » par les dépenses gynécologiques ; les secondes au prétexte qu’elles ne se jugeraient pas « directement concernées » par les examens de la prostate…

Huit mariages, un enterrement

Eddie Barclay est mort. Comme Jésus, son nom servira aux fidèles du show-biz de repère historique pour séparer les Anciens et les Modernes, l’époque des « vedettes » d’hier de celle des « stars » d’aujourd’hui. L’époque des producteurs intuitifs et indépendants et l’époque des grosses machines de production où de petits marquis du marketing décident de ce qu’il convient d’écouter.

Toute la « show-biz nostalgie » va fondre sur nos écrans et roucouler du « C’était une autre époque », du « C’était mieux avant ». Déjà, Mireille Mathieu vient de se fendre d’une déclaration : « Eddie, c’était que du bonheur ! » Ce qui prouve la profondeur de l’analyse, l’intensité de la mémoire et la richesse du vocabulaire. Ils vont tous se dire l’ami de Barclay, on laisse toujours beaucoup d’amis au fond des coupes de champagne gratis. Ils vont tous se dire l’ami de Barclay comme d’autres prétendent l’avoir été du commandant Massoud qu’ils n’ont bien sûr jamais rencontré.

Certes, il a notablement contribué à l’éclosion de nombreux talents. C’était surtout des auteurs et des compositeurs qu’on cherchait à l’époque. Par cet homme nous sont arrivés les Brel, Nougaro, Ferré et Ferrat. On ne va pas s’en plaindre. Eddie, si tu nous entends, merci.

Aujourd’hui on ne cherche plus d’auteurs-compositeurs. On cherche des « grains de voix », des « univers », comme on dit sans rire à la Nouvelle Star en empruntant pompeusement le langage de Roland Barthes pour qualifier des prestations qui brillent à 90% grâce aux chansons des autres, ce que sait faire n’importe quel chanteur de bal de 14 juillet.

Mais quand on était ado, dans les années 60, il nous en a quand même fait bouffer du yéyé l’ami Eddie. Et je connais bien des garçons et des filles de mon âge qui se sont endormis au volant de leur Solex en entendant siffler le train. Et très franchement, entre nous, soyez sincère, droit dans les yeux, Carlos vous manque ?

Je suis prêt à parier qu’il va se trouver quelqu’un pour donner la consigne que chacun soit vêtu de blanc pour ses obsèques.

Hommage et respect, donc, pour ce galant homme qui aura attendu un vendredi 13 pour permettre à sa dernière compagne de toucher le gros lot.

Ségrégation positive

Afin de lutter contre le harcèlement sexuel, la direction du métro de la ville de Tokyo a décidé de réserver des wagons exclusivement aux femmes, en fin de journée, aux heures où la promiscuité favorise les attouchements délictueux.

Mais voilà que surgit un problème d’odeur, pour reprendre un célèbre propos. Certaines femmes se plaignent en effet de la multiplicité des parfums et des essences hétéroclites qui rendent l’atmosphère irrespirable. En deux mots, ça pue. On pourrait donc créer des sous-catégories de femmes et imaginer un wagon réservé à chaque marque en échange d’un sponsor.

Comme une étude scientifique très sérieuse (?) a démontré l’effet désastreux des parfums sur la qualité des spermatozoïdes, je voudrais lancer un appel public à la dame qui prend tous les matins l’ascenseur avant moi et qui inonde la cabine de l’horrible patchouli dont elle s’asperge. J’accepte volontiers de ne pas fumer dans l’ascenseur, mais qu’elle veuille bien en retour avoir elle aussi la tolérance de préserver l’intégrité de mon potentiel de reproduction pour l’espérance de vie qui lui reste. Me comprendront tous ceux (et celles !) qui ont vécu ces terribles minutes d’écœurement qui vont font regretter de ne pas habiter le rez-de-chaussée, toutes celles et tous ceux qui ont failli plus d’une fois dégueuler le modeste petit café matinal qu’ils avaient dans l’estomac.

Paco rabâche

Souvenez-vous, je vous prends à témoin. Il avait dit : « Si ma prédiction ne se réalise pas, je me retirerai et on n’entendra plus jamais parler de moi. » Donc, Paco Rabanne revient sur vos écrans. Il doit y avoir la promotion d’un bouquin dans l’air…

Ce n’était qu’une promesse inspirée par le monde politique. Autrement dit, lui aussi tirait les conclusions de son échec et se retirait de la vie prédictive. Donc, tout naturellement, le revoilà pour nous prédire un nouveau drame planétaire annoncé cette fois pour le 11 août 2007 !

Paco remet donc le ridicule puisqu’il a pu vérifier qu’il ne tuait pas.

Comme si la perspective des présidentielles ne suffisait pas, 2007 serait-elle envisagée comme l’année de toutes les catastrophes ?

En septembre 99, le mage Paco confiait pourtant à Paris-Match : « J’ai été d’une grande naïveté… Je vis depuis le 11 août avec le sentiment d’avoir fait une chose démesurée. J’ai été en butte à beaucoup d’insultes et de déchaînements de toutes sortes. La dérision, je l’ai méritée et je ne la discute pas… Et je dis, je redis, que je le regrette… Je me suis entêté comme une mule. J’ai été pris dans un torrent. Ne me contrôlant plus, je suis allé trop vite et trop loin. »

Son fiasco prophétique de 1999 ne lui a pas servi de leçon. Que le 11 août la station Mir ne nous soit pas tombée sur la gueule ne l’a pas découragé à persister dans la voyance aveugle, la pythie qui fait pitié, le vert devin qui devrait arrêter d’en boire.

Étonnante époque où les télévisions sont prêtes à concéder de précieuses minutes d’antenne à des farfelus qui viennent nous prédire une fin du monde improbable, alors qu’en son temps, avant 2003, elles négligeaient de prendre au sérieux ceux qui alertaient sur l’inquiétante vétusté des maisons de retraite…