À quelques jours du référendum, une phrase étonnante revient dans la presse d’aujourd’hui : « Ce sont les indécis qui vont faire la décision. »
Merveilleuse langue française, subtile jusqu’à la contradiction. Ainsi, l’opinion de l’indécis devient précieuse par le seul fait qu’il n’en a pas. Le pouvoir de l’indécis, c’est de ne pas se décider à en user.
On saura dimanche avec certitude que la certitude d’une Europe nouvelle mais incertaine sera née d’une incertitude. Les indéterminés auront pesé de tout leur poids en affirmant leur détermination.
NB : désolé, mais je n’ai pas pu me décider à décider d’un titre pour ce billet…
Hier mardi 17 mai, Journal de TF1, 20 heures. Patrick Poivre d’Arvor présente Valéry Giscard d’Estaing.
L’ancien président de la République vient commenter quelques articles du Traité constitutionnel.
A la fin de l’intervention, PPDA enchaîne, pressé par le temps, et annonce tout de go : « Ce journal est terminé. Bonne soirée sur TF1 avec le Corniaud . »
En une fraction de seconde on perçoit que le journaliste est surpris lui-même par la brutalité de la transition. Il semble subitement avoir avalé un piment fort, les yeux cherchent un endroit où se poser, il descend sous terre.
Il y a des moments dans la vie d’un présentateur où l’on doit se sentir très seul…
Sérieux. Il paraît que dans notre beau pays, l’industrie la plus performante est… la serpillière française !
C’est quand même la moindre des choses pour une société autonettoyante qui s’aseptise si bien à coups de « politiquement correct ».
Il est vrai qu’à voir l’attitude de certains journalistes et de présentateurs télé devant la classe politique, nous ne sommes pas surpris par cette bonne nouvelle économique.
Solcarrelus, si tu nous entends, on te salue !
Nous attendons avec impatience de prochaines révélations sur les performances industrielles de la carpette et de la brosse à reluire.
Ce que je rapporte est authentique, je n’invente rien.
J’ai consacré récemment un billet à propos des « indécis » dont quelques commentaires de presse prédisaient qu’ils allaient faire la décision le jour du scrutin sur le Traité constitutionnel. Et voilà que jeudi soir, sur France 2, Arlette Chabot ouvre un débat politique par un sondage qui nous annonce, sans rire et sans que personne sur le plateau ne s’en inquiète : 23% d’indécis et 11% d’hésitants !
J’aimerais bien qu’un linguiste m’explique la différence d’amplitude du doute entre un indécis et un hésitant !
Plongeons-nous dans le Petit Robert pour vérifier une dernière fois avant de critiquer.
indécis, ise adj.
• mil. XVe « non jugé »; bas lat. indecisus « non tranché »
2• (Personnes) Qui n’a pas encore pris une décision ; qui a peine à se décider .
Qui ne sait pas prendre une décision, une résolution.
hésitant, ante adj.
• 1829; les hésitans subst. 1721; de hésiter
1• (Personnes) Qui hésite, a de la peine à se déterminer .
Qu’ont bien pu répondre les indécis pour mériter leur catégorie ?
— « Ce n’est pas que j’hésite mais je reste encore indécis. » ?
Qu’ont bien pu répondre les hésitants pour mériter la leur ?
— « Ce n’est pas que je sois indécis mais j’hésite encore » ?
Si j’essaye de comprendre ces questionneurs illettrés, un indécis est un électeur qui ne s’est pas encore déterminé sur une décision de vote. Soit. Et qu’un hésitant est un électeur, auparavant indécis, mais qui a fini par se déterminer alors que, peu sûr de lui, il hésite encore au point d’envisager une remise en cause de la décision qu’il avait prise pourtant quand il avait cessé d’hésiter.
Ouf !
A force de sonder, les sondeurs vont bien finir par toucher le fond…