Turluttérature française

Turluttérature française

Nouvelle audace littéraire, les éditions du Rocher publient ” Toi masculin mon féminin “, le dernier (on croise les doigts… et les jambes !) roman érotique de Christine Deviers-Joncour.

“Devant lui je m’agenouille. Doucement, je promène mes mains. À travers le vêtement de peau d’ange, je l’effleure du bout des doigts. Sa virilité dessinée sous le velouté du tissu m’excite davantage. J’approche doucement mes lèvres. Il ne bouge pas, la tête jetée en arrière, à fleur de peau, il attend. Son souffle est court. Je sens perler son désir que je cueille du bout de la langue. […] “

Bref, elle lui fait une pipe, au mec, et s’en fout partout. Le genre de phrase sulfureuse qui vous fait passer illico dans n’importe quelle émission sulfureuse.

En la travaillant un peu au corps, la Christine, vous saurez tout sur le zizi. La longueur, l’épaisseur, la vitesse de rotation. Bien sûr, l’auteur marquera comme toujours une légère réprobation. Elle fera mine de ne pas comprendre pourquoi on n’extrait que ces quelques lignes délicieusement vulgaires pour parler de son immense chef-d’œuvre. Alors que ces lignes sont parfaitement intentionnelles, un peu comme on vend un mauvais film avec une bande-annonce aguicheuse. La preuve : c’est justement le passage qui a été choisi par l’éditeur pour la quatrième de couverture ! Le tout dans une langue bien trempée (voir plus haut pour les détails) qui vous fait connaître immédiatement la gloire médiatique.

Le lecteur-acheteur abusé se demandera (c’est le but) si l’énigmatique organe n’appartiendrait pas par hasard à un ancien ministre aujourd’hui âgé de 101 ans. Mais non ! Qu’allez-vous chercher là ? À chaque fois, Christine entretient le doute aussi bien qu’une érection.

Questionnée sur son passé judiciaire comme à chacune de ses apparitions (on a le curriculum vitae littéraire que l’on peut), elle ne comprend toujours pas qu’il soit répréhensible qu’un dirigeant de société pique dans la caisse pour se payer des vacances. Elle s’en offusque. Après tout, c’est son argent. On lui explique de nouveau ce qu’est un abus de bien social. Elle se rajuste les cervicales pour y trouver une idée opposable qui doit déjà glisser le long du dos. Finalement elle s’ébroue, genre “passons à autre chose”, et paraît gênée de contredire. Nul doute, pour elle, ça reste une hérésie. Ce qui démontre que le Code pénal n’est pas sexuellement transmissible.

Alors qu’on ne s’étonne pas, nous prévient-elle, “que les cerveaux quittent notre pays.” Stupeur et tremblements. On imagine la ménagère de moins de cinquante ans regardant l’émission, cramponnée à son canapé, terrifiée à l’idée que Christine pourrait fuir l’intelligentsia parisienne pour aller offrir son immense talent littéraire à l’étranger. Les plus optimistes y auront sans doute vu l’heureuse menace d’un départ.

Quitter la France ? Mais pour aller où ? À Taïwan, où elle ne serait qu’une vedette ? Non Christine, laisse ton cerveau en France, dans ce magnifique pays où les belles cervelles se ressemblent, se rencontrent et s’entraident ; un pays magnifique où des cerveaux du même poids que le tien font de toi une vraie star de l’écriture. Un pays où de fins éditeurs, sur la masse de manuscrits qu’ils refusent toutes les semaines, ont tout de suite vu que ton sujet n’avait jamais été traité et que ton style sentait bon la nostalgie du cliché littéraire pourchassé dans toutes les narrations des classes de sixième. Citons :


Les enivrantes effluves des parfums : Dieu que la banalité est belle ! Deux clichés pour le prix d’un !
(Avec une faute d’orthographe à “enivrantes” que les correcteurs des Éditions du Rocher écrivent avec deux n !)
Je promène mes mains… : et marcher, c’est promener ses jambes ?
Son souffle est court : le souffle littéraire aussi.
Je sens perler son désir : comme si elle gobait une huître…

Et la direction littéraire qui en remet une couche en quatrième de couverture pour encenser le style du grand écrivain : Une écriture d’une sensualité à fleur de peau. Le cliché étant usé, éculé, il doit s’agir probablement d’une vieille peau.

On se souvient des déclarations de Jean-Paul Bertrand, patron des Éditions du Rocher (si c’est toujours lui), dans une interview qu’il donnait jadis à Jacques Chancel.
Las d’être envahi de manuscrits jugés par lui sans valeur, il s’apprêtait à écrire un livre qui expliquerait à la France littéraire d’en bas comment il faut écrire. Des conseils qu’il ferait bien de réserver aux illettrés de son propre catalogue.

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